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Interview   

Tesseract : vers une autre dimension


Toute crise, malgré le malheur qu’elle génère, a tendance à être un vecteur d’évolution et à créer des bonds en avant. Durant la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, l’industrie de divertissement et de la musique en particulier a pris un sacré coup, mais ce que l’on a aussi vu, c’est de nombreux artistes se retrousser les manches et s’adapter, notamment par le biais de la démocratisation du concept de live stream. En l’absence de public, certains groupes ont essayé de compenser cette énergie physique, viscérale, qui fait tout le charme des concerts en proposant une expérience différente. Tesseract, habitué à relever des défis, est de ceux-là avec le live stream baptisé Portals. Un live stream ambitieux, travaillé, où se rejoignaient musique, visuels et récit pour plus de deux heures de spectacle.

A l’occasion de la sortie physique de Portals, Amos Williams, le bassiste du groupe qui fête cette année les dix ans de la sortie de son premier album One, nous relate leur expérience, comment celle-ci changera vraisemblablement l’avenir du groupe et ce que l’industrie gardera des nouveaux développements apportés par cette période inédite.

« C’est assez intéressant de voir que, même si l’Occident est très moderne, il est aussi très arriéré, à mon avis, quand il est question de la santé de la communauté. »

Radio Metal : La dernière fois qu’on s’est parlé, en 2015, tu vivais en Chine…

Amos Williams (basse) : J’ai vécu en Chine jusqu’à il y a environ quatre ans, puis je suis allé au Royaume-Uni pendant quelque temps, puis j’ai déménagé en France et je suis revenu au Royaume-Uni il y a deux semaines !

Tu n’as donc pas vécu la pandémie en Chine.

Non, je ne l’ai pas vécue là-bas, ce qui est dommage parce que là où j’ai vécu en Chine, à Shanghai, ils n’ont quasiment pas été touchés. Ils ont donc repris la vie normale après une période d’environ cinq semaines, je crois. C’était assez fou de voir mes amis vivre normalement et nous… Car à ce moment-là, j’étais en pleine campagne en France, donc j’étais très isolé et c’était très étrange de voir le reste du monde se fermer pendant que je vivais au milieu de nulle part. C’était assez spécial.

Comme tu connais la culture chinoise, comment analyserais-tu la manière dont ils ont géré la pandémie, par rapport à la manière dont l’Europe l’a gérée ?

Curieusement, de manière très chinoise, c’est-à-dire en se souciant de la commuté plutôt que des besoins individuels, alors que l’Europe a fait tout l’inverse. L’Europe s’est concentrée sur les libertés individuelles, plutôt que sur la communauté européenne dans son ensemble, donc pas juste, disons, l’Allemagne ou la France. Personnellement, j’aurais préféré que ce soit géré à plus grande échelle. Par exemple, en France, les confinements étaient lentement décrétés presque région par région au lieu de tout arrêter. Il a presque fallu être acculé pour répondre de telle manière que les gens pensent à tout le monde. En particulier en Amérique, c’était horrible de voir la manière dont ils se comportaient et, d’ailleurs, de même au Royaume-Uni. Les gens ont l’air de penser qu’il s’agit d’eux plutôt que de nous. La Chine s’est très bien débrouillée en pensant ça en termes de « nous », tout comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, où il s’agissait avant tout de la communauté. Je pense que c’est simplement parce qu’ils ont vécu le SARS en 2002. Ils avaient déjà connu une pandémie relativement similaire, donc c’est normal pour eux en termes d’histoire culturelle. Ils s’en souviennent. C’est pareil en Afrique. L’Afrique traverse une mauvaise passe, mais ils ont aussi eu le MERS, Ebola et le SARS originel. C’est assez intéressant de voir que, même si l’Occident est très moderne, il est aussi très arriéré, à mon avis, quand il est question de la santé de la communauté.

Parlons de Tesseract maintenant. Vous sortez Portals, le film et l’audio du live stream qui s’est tenu le 18 novembre dernier. On dirait que Tesseract a toujours été porté sur le fait d’essayer de nouvelles expériences. Je pense en l’occurrence à votre concert du Jägermeister Ice Cold Gig en Finlande il y a six ans. Plutôt que d’être défaitistes, avez-vous choisi d’embrasser ces circonstances étranges et difficiles comme une opportunité pour faire une nouvelle expérience unique ?

Oui, totalement. Les restrictions qui nous ont été imposées nous ont offert la liberté de créer une prestation sans restriction. L’un des éléments les plus frustrants dans une production live, c’est la difficulté à mettre en place une scène, jouer sur scène et ensuite refaire tout ça sur son concert suivant. Ça limite nos capacités dans ce qu’on peut accomplir. Mais nous n’étions pas dans cette position, nous ne pouvions pas voyager et jouer, alors pourquoi ne pas utiliser ce temps pour créer un spectacle avec tout ce qui est possible ? Ça nous a paru naturel de tenter quelque chose que nous ne pouvions pas tenter en temps normal.

Ce n’était donc pas juste un live stream, ça a été conçu pour être une expérience cinématographique audio et visuelle, et en effet, la partie visuelle représentait presque cinquante pour cent de l’événement avec de magnifiques lumières, effets et scénarisations. Peux-tu nous parler de l’approche visuelle de cette superproduction et nous dire comment vous avez travaillé sur la création d’une dynamique entre les visuels et la musique ?

Je dirais que la scène est presque venue en premier. On a eu l’idée et c’était comme si celle-ci avait orienté le thème du concert. Donc le concept de cette ouverture, de ce monolithe et de ce portail nous a fait réaliser que nous pouvions mettre en place une soirée rétrospective qui engloberait toute la carrière de Tesseract en utilisant cette image centrale comme passerelle pour voyager entre ces instants, mais aussi lier la prestation live à un récit. Une fois que le concept initial avait émergé du néant, nous avons suivi le chemin que toute cette lumière éclairait devant nous. C’était une expérience très intéressante. Ça a nécessité énormément de boulot pour concrétiser l’ensemble, mais le travail du concept en tant que tel, qui est habituellement la partie difficile, était déjà tout fait.

« Nous avons l’assurance suffisante maintenant pour explorer un troisième exutoire dans la production créative de Tesseract. Nous avons donc la musique, nous avons l’art, et nous explorons maintenant ce que nous pouvons faire en matière de film et de récit. […] La version de Tesseract qui existe après Portals a changé et notre production, en conséquence, changera aussi. »

Comment vous êtes-vous préparés en tant que groupe pour un tel concert ?

Encore une fois, ce qui est intéressant est que, comme nous étions tous confinés et isolés, ça signifiait que nous pouvions nous concentrer sur des répétitions individuelles. Donc chacun a répété à distance chez lui et ça voulait dire que nous n’avions pas besoin de faire grand-chose une fois que nous allions enfin nous réunir à la salle de répétition quelques jours avant le concert, car nous étions bien dans l’état d’esprit, en ayant passé six semaines auparavant à revoir les choses, à répéter et, dans certains cas, à réécrire des choses. La nature des répétitions de Tesseract fait que nous avons presque un bon enregistrement du concert avant même de faire le concert, car c’est ainsi que procédons : nous enregistrons les morceaux de façon à pouvoir tous entendre comment tout le monde joue dessus. C’était vraiment sympa d’arriver au concert en sachant exactement comment ça allait sonner à la fin. Evidemment, le fait de jouer ensemble change des choses, mais nous savions ce que nous allions produire. Le côté visuel était en revanche totalement inconnu par rapport aux éléments tels que les lasers, comment ils interagiraient avec la caméra et quelles formes ils créeraient. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvions imaginer, mais nous étions certainement confiants vis-à-vis de notre prestation, car nous l’avions déjà entendue en l’ayant enregistrée pour les besoins de nos répétitions.

La setlist en soi est très ambitieuse. Ça fait plus de deux heures de musiques, donc plus long que vos setlists habituelles, et vous aviez plusieurs chansons que vous n’aviez jamais jouées avant. Quel défi est-ce que ça a représenté de réapprendre toute cette musique ?

Nous en avions déjà joué une majorité avant, mais comme tu l’as dit, il y a une poignée de chansons que nous n’avions pas jouées depuis très longtemps et que nous devions réapprendre, ou alors que nous n’avions jamais jouées et que nous faisions pour la première fois. Par exemple, « Tourniquet » : même si c’est un morceau assez simple, il y a beaucoup de dynamique dedans. Il y a aussi une chanson de Sonder qui s’appelle « Beneath My Skin » et elle est couplée à une autre qui s’appelle « Mirror Image ». Ce sont des chansons que nous n’avons jamais ressenties sous les doigts, ou nous n’avons jamais su ce que ça faisait de les jouer. Donc c’était intéressant car il y a une petite différence entre les répéter et ensuite les jouer sur scène. C’était très cool d’être dans une situation où nous faisions ça pour la première fois, c’est-à-dire jouer une chanson et non seulement vivre cet étrange inconfort de ne pas savoir comment se comporter pendant qu’on joue, mais aussi être entouré d’une production live qui nous déconcentrait beaucoup, mais évidemment c’était le concept. C’était de faire des choses qu’on ne pouvait pas faire dans la vraie vie.

Tu as mentionné des réécritures : peux-tu nous en dire plus ?

C’est juste de petites choses qui semblent mieux parfois quand on a passé quelques années avec une chanson. Avec le recul, on a des idées, car on comprend mieux le morceau et on a envie de corriger des choses qui ne collent pas trop. Par exemple, nous avons retiré ou changé des petits passages pour donner plus d’assise ou de puissance à un morceau, ou peut-être que nous n’aimions pas forcément jouer l’intro d’une chanson, donc nous la retirons ou nous nous concentrons sur une instrumentation différente. En fait, « Tourniquet » est un de ces morceaux que nous avons joués d’une autre manière, en nous concentrant sur des éléments différents de l’instrumentation. De même avec « Mirror Image », encore une fois un des morceaux que nous n’avions pas encore joués, et nous l’avons épuré. Nous avons viré trois doubles croches dans la partition, car ça fonctionnait bien avec le passage et le morceau nous paraissait s’enchaîner mieux ainsi. Nous avons aussi retiré environ une minute et demie de l’intro d’un des très vieux morceaux, « Concealing Fate, Part I », afin de maintenir un haut niveau d’énergie et de maximiser son impact. Très souvent aujourd’hui, nous commençons le morceau quatre-vingt-dix secondes après le départ auquel les gens s’attendent. Ce sont juste de petites choses dans ce genre. Les détails des chansons évoluent toujours et parfois ça devient des macro-éléments plutôt que des micro-éléments.

« C’est quelque chose que la pandémie a offert à de nombreux groupes, elle leur a donné du temps pour devenir légèrement autre chose, au lieu de se contenter d’enregistrer, tourner, enregistrer, tourner, etc. »

Êtes-vous de ces artistes qui considèrent que, même si les chansons ont été enregistrées, elles ne sont jamais vraiment terminées ?

Totalement. A chaque fois que nous jouons les chansons, quand nous partons dans un nouveau cycle de tournée, elles changent. Il se peut qu’elles reviennent à leur version initiale. Il se peut que ça devienne une version complètement nouvelle. Je trouve que c’est intéressant de montrer comment, en tant que musicien, tu peux évoluer et que tes centres d’intérêt peuvent légèrement changer. On espère que les fans qui viennent nous voir apprécient nos interprétations de ces chansons, que ce soit si on les ramène à leur forme initiale alors que les fans se sont habitués à une autre version ou… C’est intéressant parce que nous avons fait plein d’enregistrements différents de ces morceaux, que ce soit dans le cadre d’albums live ou pour des vidéos live, et les gens s’y habituent, et alors peut-être que nous décidons de revenir à ce que c’était il y a dix ou douze ans quand ça a été enregistré sur la première démo. Nous varions les approches et nous voyons ce que ça donne à ce moment-là, car chaque tournée mérite notre entière attention et notre investissement total en tant que musiciens.

Vous avez démarré sur « Of Matter », un morceau de quinze minutes et ensuite, à la troisième chanson, on retrouve les trois premières parties de « Concealing Fate », pour près de vingt minutes de musique en continu. Ce concert a-t-il été conçu d’abord pour les fans purs et durs de Tesseract ?

Si tu nous inclus dans les fans purs et durs de Tesseract, alors oui. Nous voulions vraiment explorer et partager la joie que nous avons lorsque nous jouons. C’est en partie ainsi que nous en tirons le plus de plaisir et compte tenu de ce qui était en train de se passer dans le monde, nous nous sommes dit que c’était une manière de rendre aux gens ou de partager de la façon la plus pure. Nous avons décidé d’apporter du contraste à la setlist, de façon à pouvoir avoir des choses comme « Of Matter » pour ensuite partir dans une atmosphère complètement différente. Pareil pour les morceaux suivants, les « Concealing Fate », qui enchaînent sur une chanson très différente qui change non seulement les aspects audio mais aussi l’aspect production. Il était entièrement question de placer l’auditeur dans un univers et ensuite de presque le forcer à en rejoindre un autre, avec des contrastes et de la dynamique. Donc j’espère vraiment que les fans ont eu ce à quoi ils s’attendaient, mais j’espère qu’il y avait aussi quelques éléments vraiment inattendus et intéressants qui les ont surpris.

Tu as déclaré que « ce n’est qu’avec le recul et un peu de temps pour l’apprécier que [vous avez] réalisé ce que ce concert signifiait pour [vous] », ajoutant que vous utilisez « l’exemple de ce concert pour tracer un nouveau chemin pour Tesseract ». Peux-tu développer ? Comment est-ce que ça va affecter le futur de Tesseract, artistiquement parlant ?

Quand je fais allusion à un nouveau chemin, je veux dire que nous avons l’assurance suffisante maintenant pour explorer un troisième exutoire dans la production créative de Tesseract. Nous avons donc la musique, nous avons l’art, et nous explorons maintenant ce que nous pouvons faire en matière de film et de récit. Portals et en particulier les réactions qu’il a suscitées nous ont donné confiance pour suivre ce chemin. Donc avec un peu de chance, nous étendrons notre production avec le prochain album. Il y aura la musique, mais nous espérons aussi que le concept sera étoffé et que nous aurons différents éléments qui pourraient apparaître sous la forme d’un film. Nous n’en sommes pas sûrs, nous verrons comment nous allons faire. Je veux dire qu’il y a plein de manières créatives d’exprimer le concept derrière la musique, avec une approche suffisamment explicite pour qu’un public ait envie de s’y investir émotionnellement et intellectuellement. Ce sera donc très intéressant, maintenant que ça semble être accepté par nos fans, de voir jusqu’où nous pouvons aller dans ce sens. Enfin, nous sommes un groupe, nous n’allons pas arrêter d’en être un, mais c’est sympa que nos fans soient ouverts d’esprit et disposés à accepter d’autres formes d’art que nous pouvons produire. La version de Tesseract qui existe après Portals a changé et notre production, en conséquence, changera aussi. J’espère que Portals sera un tournant, qu’il sera évident qu’à partir de là, nous avons pris un autre chemin. Il y a des éléments théâtraux chez Tesseract que nous sommes désormais contents d’adopter, alors que nous avions peut-être tendance à les éviter avant.

« Ça ne remplacera certainement pas les concerts normaux pour un groupe de notre niveau, mais ça nous a beaucoup aidés pour survivre pendant cette période d’arrêt. En fait, ça se rapproche pas mal d’une grosse tournée en termes de revenu net et de profit. J’ai été très surpris. »

Pourquoi ? Vous n’aviez pas confiance ou vous pensiez que les fans n’y adhéreraient pas ?

C’est ça. Nous ne savions pas si ces choses allaient être acceptées, mais c’était aussi une question de temps. C’est quelque chose que la pandémie a offert à de nombreux groupes, elle leur a donné du temps pour devenir légèrement autre chose, au lieu de se contenter d’enregistrer, tourner, enregistrer, tourner, etc. Ils étaient en mesure de prendre du temps supplémentaire avec leur composition et leur production créative. Je pense que ça a beaucoup aidé quelques groupes à diversifier leur contenu et à choisir ce qu’ils ont vraiment envie de faire, au lieu de courir après la machine, au lieu d’enregistrer, de sortir un album, de faire le circuit des festivals, de jouer et ensuite de réaliser qu’il faut tout refaire dans l’ordre pour grimper les échelons. Aussi horrible que ça a pu être et malgré l’énorme impact que ça a eu sur notre industrie, je pense que ça nous a permis de faire une pause et de nous poser des questions sur ce qu’on veut faire avec notre musique.

Tout comme Tesseract, de nombreux groupes ont utilisé le live stream comme une occasion d’offrir une vraie expérience visuelle et audio, et d’aller plus loin que ce qu’ils ont mis en place avec les concerts normaux. Penses-tu que l’on soit à l’aube d’une nouvelle ère pour les concerts, par rapport à la manière dont les artistes penseront et aborderont leur spectacle et par rapport à celle dont le public vivra un concert ?

Peut-être. Il y a quand même un léger problème logistique quand on fait ça à grande échelle avec les contraintes d’un planning de tournée. Donc ça peut vouloir dire qu’on ait un concert retransmis en direct, qui serait un genre de concert international, faisant partie du cycle de tournée et qui serait sans restriction ou au maximum des capacités pour la tournée. Puis les autres concerts de la tournée seraient plus modestes ou à une échelle moins ambitieuse, car mettre en place quelque chose comme Portals, par exemple, ça nécessite une grande équipe et si on veut ensuite voyager et faire ça tous les jours, ce serait très difficile sans un énorme budget. Rien que le fait de payer la main-d’œuvre nécessaire est très difficile sans mettre la place de concert à un certain prix. Et évidemment, c’est aussi très dépendant de la taille de la salle. C’est dommage, car il est clair que nous n’allons pas tourner avec ce spectacle, mais nous pourrions le faire ponctuellement, genre à l’occasion d’un festival ou quelque chose comme ça. Ça m’intéresserait de voir combien de groupes vont intégrer le streaming d’un concert international dans leur cycle de tournée, car je pense que c’est très intelligent de faire ça. Vu le nombre d’artistes pop qui l’ont fait, comme Billie Eilish et autre, je pense que ça va probablement rester parce que ça a vraiment du sens, car tout le monde ne peut pas se rendre à nos concerts et on ne peut pas se rendre partout. Fondamentalement, ça étend infiniment notre communauté de fans, en atteignant autant d’êtres humains que possible.

Je doute qu’un live stream peut remplacer ce que vous gagnez financièrement avec les tournées. Donc dans quelle mesure est-ce que ça peut rattraper l’absence de tournée dans la période actuelle ?

On ne peut en faire que de temps en temps. On ne pourrait pas faire ça toutes les semaines, mais je pense que s’il y a une campagne de promotion suffisamment bonne autour et que l’équipe travaille le concert presque comme si c’était un album, comme notre équipe l’a fait, alors je pense qu’on peut gagner pas mal grâce à ça. Surtout si on le rend spécial, pas seulement dans le contenu, mais aussi dans le côté exclusif, de façon à ce que ce ne soit pas quelque chose qu’on verra tous les mois ou tous les six mois, mais qui arrive peut-être tous les deux ans. Ça ne remplacera certainement pas les concerts normaux pour un groupe de notre niveau, mais ça nous a beaucoup aidés pour survivre pendant cette période d’arrêt. En fait, ça se rapproche pas mal d’une grosse tournée en termes de revenu net et de profit. J’ai été très surpris. Ça a beaucoup coûté aussi. Nous étions un peu là : « D’accord, est-ce qu’on va rentrer dans un gouffre avec ça ? » Mais c’était une prouesse qui, je pense, a posé les bases de notre prochain palier et il est certain qu’en retour, ça a fait grossir notre communauté de fans.

De façon plus générale, comment est-ce que Tesseract se porte financièrement durant cette période difficile ? Vous arrivez à vous en sortir ?

Oui, nous avons la chance d’avoir construit un modèle économique autour du groupe avec un plan sur plusieurs années plutôt qu’au jour le jour. Il y a quelques groupes qui sont obligés de se mettre à l’arrêt et ne vont pas faire grand-chose jusqu’à ce que l’industrie se remettre sur pied, mais heureusement, Tesseract n’en fait pas partie. Grâce à plusieurs choses, notamment notre modèle économique, mais aussi aux plateformes de streaming comme Twitch, nous sommes parvenus à maintenir notre carrière à flot et à rester des musiciens à plein temps, y compris lorsque être un musicien était très difficile. Nous avons un très bon management d’artistes qui gère notre carrière plutôt que de gérer le groupe, si ça a du sens. Ils nous conseillent et ils ont beaucoup de succès avec les différents artistes avec qui ils travaillent. Ils cherchent toujours à faire progresser les groupes, à faire qu’ils soient exposés et grimpent les échelons, mais en sécurité et en maintenant une stabilité. Ce n’est pas quelque chose sur lequel beaucoup de managements se concentrent. Donc nous avons beaucoup de chance à cet égard.

« La musique sur One est clairement juvénile. Quand j’écoute, j’ai l’impression qu’elle fait tout son possible pour être quelque chose, alors que les derniers albums se forcent moins. Peut-être que les derniers albums sont plus honnêtes d’un point de vue créatif, mais je pense que One a une énergie, un désir et une passion qui sont durs à égaler. »

Sur un autre sujet, One est sorti il y a tout juste dix ans. Quel est ton sentiment sur ce premier album de Tesseract dix ans plus tard ?

Nous ne pouvions pas nous imaginer être là où nous sommes aujourd’hui quand nous avons enregistré ça. D’ailleurs, le concert de Portals a fait remonter plein de souvenirs et nous a vraiment poussés à repenser à cette époque. C’était une excellente machine à remonter le temps. Ça nous a fait réaliser tout le chemin parcouru depuis, tout ce qui nous est arrivé personnellement et en tant que groupe, et aussi ce qui s’est passé dans le monde. Même si c’était il n’y a relativement pas longtemps, nous avons l’impression d’avoir eu dix vies dans ce court laps de temps. C’est fou. La musique donne littéralement l’impression d’être une passerelle. Parfois on se remémore, ça renvoie tellement de souvenirs quand on se concentre vraiment sur ces chansons. J’espère vraiment que One est toujours un bon album aujourd’hui. Je veux dire que c’est dur de savoir, ce n’est pas vraiment à moi de le dire. Une fois que c’est enregistré, c’est presque comme si ça ne nous appartenait plus. C’est partagé avec le monde. La musique sur cet album est clairement juvénile. Quand j’écoute, j’ai l’impression qu’elle fait tout son possible pour être quelque chose, alors que les derniers albums se forcent moins. Peut-être que les derniers albums sont plus honnêtes d’un point de vue créatif, mais je pense que One a une énergie, un désir et une passion qui sont durs à égaler et en conséquence, il se démarque.

Tesseract a commencé en 2003, et la plupart des membres du groupe l’ont rejoint vers 2005 et 2006. Donc beaucoup de temps s’est écoulé avant que Tesseract ne sorte son premier album. A quoi ressemblaient ces premières années de formation ?

Acle Kahney était dans un groupe qui s’appelait Fellsilent et essentiellement, il mettait de côté la musique qui ne leur convenait pas, mais qui avait une cohérence et conviendrait à son propre projet. Il a donc monté son projet parallèle/solo en ligne sur MySpace – ça montre à quel point c’était il y a longtemps. Avec nos groupes respectifs, nous avons joué lors d’une même soirée que son groupe Fellsilent. Nous avons discuté avec lui et nous avons appris pour son projet qui s’appelait Tesseract. C’était légèrement mystérieux, ça sonnait super, rafraîchissant et unique. Nous avons fini par rester en contact et organiser nos emplois du temps pour nous retrouver dans la même pièce et jammer. Tout a commencé là. La première fois que nous nous sommes réunis, il y avait moi, le batteur Jay [Postones] et Acle, et nous avons répété les chansons et fait en sorte qu’elles tournaient bien, et c’était vraiment bien. Tout le monde était vraiment sur la même longueur d’onde et c’est rare. Ça a simplement fonctionné. C’était vraiment cool. Puis nous avons passé les premières années à découvrir qui nous étions en tant que musiciens, sans nous mettre la pression pour sortir quoi que ce soit, en tournant au sein du petit circuit de tournée britannique, en nous aventurant de temps en temps en Europe sur des événements tels que l’Euroblast à Cologne, en Allemagne, ce qui a eu un gros impact sur notre début de carrière, car nous avons pu rencontrer des groupes comme Textures et vraiment découvrir le monde de la musique progressive sous des angles différents et dans d’autres pays. Ensuite, nous avons travaillé jusqu’à arriver à notre première tournée américaine en 2010, quand nous avons sorti notre premier EP, qui a été suivi du premier album, mais il a bien fallu cinq ou six ans à composer activement pour sortir ce premier album.

Sonder est sorti en 2018, ce qui fera déjà le plus grand écart entre deux albums de Tesseract. Avez-vous utilisé le temps mort dû à la pandémie pour écrire et enregistrer son successeur ?

Oui. Nous sommes dans le processus pour enregistrer encore plus de démos. Nous avons déjà un bon album, nous sommes en train de voir ce que nous pourrons apporter en plus durant les six à neuf prochains mois. On verra comment ça se passe. L’album est associé à un concept très complexe et développé. Nous sommes en train de voir comment les deux peuvent s’associer et ce que nous pouvons produire à partir de ça. C’est presque comme si l’album était déjà là, mais j’aimerais vraiment prendre le temps de voir ce que nous pouvons faire d’autre. C’est une période assez sympa et détendue, sans pression, maintenant que le cycle de tournée n’est plus un problème. J’estime que nous sommes à six mois de finir les démos et ensuite nous verrons ce que nous pourrons faire quand nous entrerons dans la phase de production.

Interview réalisée par téléphone le 6 août 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Steve Brown.

Site officiel de Tesseract : www.tesseractband.co.uk

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