Dix minutes ! C’est le temps qu’il a fallu à The Gathering le 13 décembre dernier pour remplir huit mois à l’avance le Doornroosje, salle de concert de mille cent places à Nimègue aux Pays-Bas. La formation de metal-rock néerlandaise venait alors d’annoncer deux concerts exceptionnels pour célébrer le trentième anniversaire de son album culte Mandylion, avec le retour sur scène d’Anneke van Giesbergen, sa chanteuse historique, pour l’occasion.
Résultat, devant ce succès fracassant, le combo avait programmé dans la foulée deux nouvelles dates qui seront elles aussi complètes en une heure. Près de quatre mille cinq cents places auront donc été vendues en à peine une heure dix ! Avant que ne soit rajouté plus tard, dans la même journée, un cinquième et ultime concert, qui affichera lui aussi très rapidement complet pour un événement historique s’étalant donc du 27 au 31 août.
Artiste : The Gathering
Date : 30 août 2025
Salle : Doornroosje
Ville : Nimègue [Pays-Bas]
Comment expliquer un tel engouement pour un groupe, certes important, mais qui est habituellement loin de susciter une telle passion ? La réponse est simple : avec la sortie en 1995 de Mandylion, The Gathering est parvenu à créer un style unique. Pourtant, au départ, rien ne semblait prédisposer ces musiciens issus de la scène death-doom hollandaise à révolutionner la musique. Deux premiers disques étaient sortis, dans l’anonymat, avec différents chanteurs masculins et féminins : Always… (1992) puis Almost A Dance (1993). Mais un événement va tout changer : le recrutement d’Anneke van Giesbergen, vingt-deux ans à peine à l’époque. On découvre alors une voix incroyable, mais surtout un style de chant unique, à la fois planant et très puissant
C’est cette originalité qui démarque The Gathering de la scène des formations de metal dit « à chanteuse » qui explosera à la fin des années 1990 et connaîtra un succès considérable avec des têtes d’affiche comme Nightwish, Within Temptation ou After Forever. Des groupes, certes, de qualité mais avec souvent de nombreux points communs : chanteuse lyrique capable de « pousser » dans les aigus et secondée par une voix d’homme façon « la belle et la bête », compos rapides et techniques, chœurs puissants… Des composantes totalement absentes de l’œuvre de The Gathering à partir de Mandylion. L’alchimie ici repose sur deux piliers : la voix épurée d’Anneke associée à de redoutables riffs de guitare, entre ombre et lumière. Avec une autre particularité : des tempos quasi systématiquement ralentis, en dehors du fameux et mythique break de « Strange Machines ». Cette esthétique sera ensuite reproduite sur l’album suivant, Nighttime Birds, sorti deux ans plus tard en 1997, mais qui présentera déjà une évolution, avec des guitares davantage en retrait. Le côté metal sera progressivement délaissé sur les disques suivants au profit d’une approche pop-rock atmosphérique qui marquera moins les esprits. Depuis, cette période du milieu des années 1990 est vénérée et nombre de fans n’ayant pas pu voir ces titres interprétés sur scène à l’époque rêvent de les voir aujourd’hui. D’où l’enthousiasme impressionnant trente ans après.
Restait plusieurs interrogations avant cette série de concerts à Nimègue : comment le groupe allait-il s’y prendre pour interpréter Mandylion dans son intégralité ? Allait-il jouer uniquement ce disque durant le concert ? Dans l’ordre ? Allait-il mélanger ces chansons avec celles d’autres albums ? Voilà quelques questions qui pouvaient nous trotter dans la tête en marchant vers le Doornroosje en ce samedi 30 août, alors que plusieurs dizaines de fans patientent déjà devant l’entrée, près d’une heure trente avant l’ouverture des portes prévue à 19h. Intrigués par la présence de ces « die-hards », notamment une jeune fille portant un drapeau chilien sur les épaules au premier rang de la queue, nous sommes allés à leur rencontre. Ainsi, nous avons pu discuter avec un groupe de Sud-Américains (Chili, Argentine, Bolivie) venus exprès en Europe pour ces concerts anniversaires ; certains attendaient même devant la salle depuis le début d’après-midi !
Une fois à l’intérieur, on découvre une jolie salle avec un balcon surplombant la fosse. C’est le début d’une attente d’une heure trente avant que ne résonne dans les enceintes le « Space Oddity » de David Bowie en introduction. Puis Frank Boeijen, le claviériste, arrive seul sur scène pour démarrer l’instrumental « Mandylion ». On comprend tout de suite que l’album ne sera pas joué dans l’ordre (ce titre éponyme apparaît en plage six sur le disque). Il s’agit d’un morceau très intimiste, légèrement perturbé par deux ou trois bourrins qui crient dans la salle, vite réprimandés par la foule qui leur enjoint de se taire. Le ton est donné, on est entre connaisseurs !
Boeijen est rejoint au fur et à mesure par les autres musiciens jouant sur l’album, car c’est bien le line-up historique au complet de 1995 qui est présent. On retrouve, outre Boeijen et Anneke van Giesbergen, les frères Hans (batterie) et René Rutten (guitare), le bassiste Hugo Prinsen Geerligs et le guitariste Jelmer Wiersma, qui avait quitté le groupe à la fin des années 1990. Anneke est la dernière à arriver, apparaissant en fond de scène, en ombre chinoise à côté de la batterie, pour scander les harmonies de la fin. Frissons garantis. On enchaîne avec l’énorme « Eléanor ». Le son est très bon et la voix de la chanteuse, à cinquante-deux ans, est toujours aussi forte. « Fear The Sea » et « In Motion #1 » poursuivent. La moitié de l’album a donc déjà été interprétée lorsque retentit l’intro d’« On Most Surfaces (Inuït) », la splendide ouverture de Nighttime Birds. Voilà la réponse à une seconde de nos interrogations : il n’y aura pas que des titres Mandylion. Logique, puisque celui-ci dure seulement cinquante-deux minutes. Pour autant, vu sa qualité, personne ne s’en serait plaint… La musique est magnifiée par un jeu de lumières tamisées et un très beau défilé d’animations en fond de scène.
Quand la maîtresse de cérémonie prend la parole, elle demande qui, parmi l’auditoire, vient de Nimègue. Quelques timides réponses se font entendre. Elle demande ensuite qui vient du reste des Pays-Bas. Cette fois-ci, une grande partie du public répond. Lorsqu’elle demande qui vient de l’étranger, l’ovation semble presque encore plus forte. Un « sondage » qui semble ravir Anneke : voilà confirmé que cette reformation ponctuelle suscite un enthousiasme mondial.
En débutant par quatre morceaux de Mandylion puis un de Nighttime Birds, on se met alors à rêver d’un florilège de ces deux albums pour célébrer la période metal du groupe. Fausse joie, puisque le combo va ensuite piocher dans sa discographie plus récente (« Broken Glass », « Waking Hour », « Great Ocean Road », « Probably Built In The Fifties », « Analog Park »). Ce n’est évidemment pas mauvais, loin de là, mais ce rock planant est très différent de l’alchimie évoquée plus tôt. D’autant plus que, forcément, Jelmer Wiersma quitte la scène pendant ce temps, ces morceaux ayant été composés sans lui et prévus pour une seule guitare. La formule magique disparaît et le soufflé retombe un peu dans la salle. Heureusement, on revient aux sources avec l’enchaînement « In Motion #2 », « Leaves » et « Sand And Mercury », le sommet du concert lors duquel Wiersma brille de mille feux.
Avant « Sand And Mercury » principalement instrumental, Anneke annonce « un titre magnifique », puis quitte la scène. On l’aperçoit alors headbanguant sur le côté au son de ses camarades. Lors d’une nouvelle prise de parole, elle encourage les fans à filmer ponctuellement et à prendre des photos que le groupe relaiera, mais elle leur demande aussi de ne pas le faire tout au long du show. Elle remerciera également le public de venir célébrer ce disque culte trente ans après sa conception.
C’est déjà l’heure des rappels, avec le fantastique « Strange Machines », morceau iconique de The Gathering avec le riff qui tue, durant laquelle la fosse saute à l’unisson. Une fin idéale mais, étrangement, le choix est fait de ne pas terminer là, mais sur les plus calmes « Travel » et « Saturnine » tirés respectivement de How to Measure a Planet? (1998) et if_then_else (2000). Les six musiciens viennent saluer la foule ensemble. Un moment de partage intense entre le groupe et son public. Une joie énorme pour tous ceux qui n’avaient jamais eu la chance de voir le groupe à son sommet dans la deuxième partie des années 1990. Ces nombreux fans, pour qui cette série de dates était inespérée, ont conscience d’avoir vécu une soirée historique. Chacun quitte la salle en pouvant se dire : « Putain, j’y étais ! »
Setlist :
Mandylion
Eléanor
Fear the Sea
In Motion #1
On Most Surfaces (Inuït)
Broken Glass
Waking Hour
Great Ocean Road
Probably Built In The Fifties
Analog Park
In Motion #2
Leaves
Sand and Mercury
Rappels :
Strange Machines
Travel
Saturnine































J’y étais le 28, c’était splendide. La dernière fois que The Gathering est passé à Paris, je n’avais pas pu y aller, parce que j’étais à Rotterdam pour un concert d’Anneke…
Le groupe que j’ai le plus vu, après Gojira.
Je n’étais pas au courant de ces concerts.
Ca augure peut-être une tournée plus large, vu la demande.