The Ocean est décidément plein de surprises. Le dytique Phanerozoic était censé clore la série d’albums conceptuels basée sur les époques géologiques de la Terre, reliant ainsi Precambrian à Heliocentric et Anthropocentric, mais la créativité du groupe en aura décidé autrement, rajoutant la brique Holocene, sorte d’extension du morceau éponyme qui bouclait Phanerozoic II: Mesozoic | Cenozoic. Issu d’une sorte d’expérimentation entre le guitariste-leader Robin Staps et le claviériste Peter Voigtmann, et pas forcément pensé initialement pour The Ocean, Holocene est d’ores et déjà un album à part dans la discographie du collectif, plein de contradictions entre électronique et organique, ou calme et intensité.
A bien des égards, Holocene est la véritable conclusion du chapitre géologique, mais ce pourrait aussi très bien être un début, celui d’un groupe qui à la fois ouvre ses horizons et stabilise son processus autour d’un environnement confortable. Comme d’habitude, nous discutons de l’album en détail et en longueur avec Robin, qui nous dévoile avoir déjà sous le coude un autre album de The Ocean…
« Nous nous permettons des choses qu’il y a quelques années nous n’aurions même pas pensées possibles ou comme faisant partie de l’expression de ce groupe. Aujourd’hui, nous estimons que tout est permis et que tout est possible. Et malgré tout, nous comprenons tous bien ce qui caractérise ce groupe. »
Radio Metal : Holocene poursuit et conclut les albums Phanerozoic, qui d’ailleurs finissaient sur la chanson atypique, très électronique, « Holocene », écrite par Paul Seidel. Cette chanson a-t-elle été un tremplin pour l’album Holocene ?
Robin Staps (guitare) : D’une certaine façon, je suppose que oui. Elle nous a ouvert des portes, même si au moment où nous l’avons écrite, nous n’en avions probablement pas conscience. Phanerozoic II était un album très éclectique pour nous, avec des types de chansons très différents. J’ai écrit la plupart d’entre elles, mais il y en a trois qui viennent aussi de Paul, et le spectre était assez large. Nous en avons pris conscience seulement quand l’album est sorti. A la fois, l’ensemble de celui-ci était aussi un tremplin pour que Peter s’implique plus, pour que ses instruments et ses synthés soient plus présents. C’est aussi quelque chose qui s’est produit avec cet album et qui a façonné l’écriture d’Holocene voire l’a rendue possible. Je pense que Phanerozoic II dans son ensemble – pas seulement le morceau « Holocene » – a été assez important, il a mené à l’album Holocene tel qu’il est aujourd’hui. En fait, ce n’est pas quelque chose que nous avions prévu. Peter m’a envoyé fin 2020 des idées de synthé qui m’ont parlé, et sans savoir si ça allait donner des musiques pour The Ocean, nous avons commencé à développer ces idées ensemble. J’ai commencé à ajouter des guitares et de la batterie, et au bout de quelques semaines, nous avons obtenu cet album et nous nous sommes dit : « Oh oui, c’est un album de The Ocean ! » Le lien s’est plutôt bien fait avec le morceau « Holocene », et c’est là que l’idée est venue d’appeler l’album Holocene et de continuer en rajoutant un chapitre aux albums Phanerozoic.
« Holocene », la chanson, se termine de façon assez abrupte, mais l’album Holocene prend la suite de façon assez naturelle si on les écoute l’un après l’autre. D’un autre côté, « Holocene » devait conclure là où Heliocentric commence. Du coup, aviez-vous l’impression que le cycle n’était pas tout à fait complet lorsque vous avez fait « Holocene » ?
Non, pas vraiment. Il n’y a pas toujours un grand schéma directeur derrière tout ce que nous faisons, même si parfois, ça peut en donner l’impression. Quand j’ai écrit Precambrian, je ne savais pas que j’allais faire un album Phanerozoic ou Holocene. Quand j’ai écrit les albums Phanerozoic, je n’avais pas prévu de faire un album Holocene. Je pensais que Phanerozoic II serait le dernier chapitre et qu’il fermerait le cycle. Tout n’est pas toujours planifié sur plusieurs années voire sur une carrière entière. Il y a plein de moments intuitifs durant le processus de composition, et tout ne devient pas toujours parfaitement logique comme on voudrait que ce le soit. Je trouve ça toujours drôle quand les gens me demandent ça. Il y a aussi un chapitre manquant dans Precambrian, la période édiacarienne, et de temps en temps, les gens me demandent pourquoi elle n’est pas présente dans l’album. La réponse toute simple, c’est qu’à l’époque je n’avais pas d’autres chansons ! [Rires] Mais c’est super quand les gens suivent cet amour du détail que nous mettons dans nos albums, qu’ils tracent ces cercles et s’y attendent. Les albums Centrics étaient un projet à part pour moi quand je les ai écrits. Leur thématique était différente de Precambrian. Je n’avais pas prévu d’écrire une série d’albums qui suit la paléontologie et finit par faire le lien avec l’époque où l’humanité intervient. C’est quelque chose qui s’est produit seulement bien plus tard quand nous avions écrit les albums Phanerozoic. Nous commencions à voir qu’il y avait un fil rouge dans tous nos albums, et c’est super.
On pourrait connecter Heliocentric à la fin de Phanerozoic II ; je suppose que ça aurait du sens thématiquement parlant. Musicalement, je n’en suis pas sûr, mais c’est toujours problématique quand il faut remonter le temps. De la même façon, je pense que ça pourrait marcher de lier l’album Holocene à Heliocentric. C’est une pensée qui m’a traversé l’esprit pendant que je mettais en place la tracklist finale d’Holocene. Ça a l’air de fonctionner, mais encore une fois, c’est toujours un peu difficile musicalement ou artistiquement de connecter son album le plus récent à un autre qui est dix ans plus vieux. Ça fait toujours un peu tiré par les cheveux, donc je ne voulais pas trop y réfléchir. Je trouve que c’est intéressant et j’ai essayé. On peut compiler une playlist et ça fonctionne plutôt bien. Mais Heliocentric est un album qui est sorti il y a treize ans et a été écrit il y a presque quinze ans, donc le lier à notre dernier album, ça marchera pour les fans qui sont vraiment à fond dedans et suivent le groupe depuis longtemps, mais en dehors de ça, ce serait peut-être un peu pousser le bouchon, je pense.
Le passage à l’univers électronique d’Holocene est parfaitement logique, dans la mesure où ça renvoie à l’âge moderne – les éléments électroniques jouaient d’ailleurs déjà un plus grand rôle dans la seconde moitié de Phanerozoic II. Tu as déjà mentionné ça, mais dans quelle mesure l’arrivée de Peter Voigtmann aux synthés en 2018 a changé et ouvert vos perspectives ?
Il est devenu une part très importante du groupe déjà sur les albums Phanerozoic. Il a longtemps été notre ingé lumière et il tournait avec nous, donc il connaissait le groupe et les chansons de fond en comble. C’était un peu un membre du groupe qui n’était pas sur scène avec nous. A la fois, je connaissais ses musiques solos et son amour pour les synthés. Donc, à l’origine, pour Phanerozoic I, je lui ai demandé d’apporter une contribution à l’album, puis il a fini par jouer sur presque tous les morceaux de l’album. Mais sur cet album, les synthés sont encore relativement intégrés au son global. Ils complètent les guitares et sont assez importants pour le son de ces dernières, mais ils ne sont pas aussi audacieux qu’aujourd’hui. Je pense qu’il lui a fallu un peu de temps pour trouver sa place dans le groupe et pour proposer ses propres idées, et c’est ce qui s’est passé désormais. En gros, il a commencé à m’envoyer des idées qui n’étaient pas prévues pour The Ocean, je les ai prises et j’ai dit : « Laisse-moi faire quelque chose avec ça. » Ça a été un long processus. Il lui a fallu du temps pour trouver sa place dans le groupe et il nous a fallu du temps pour l’intégrer comme il faut, et je pense que c’est ce que montre l’album Holocene. Il est une part intégrante de notre musique, et du son que nous créons en live et sur album.
« La saturation des octaves plus graves des trombones et parfois des tubas peut être très brutale. Quand tu souffles très fort, tu obtiens presque une distorsion dans le son, qui va très bien avec les guitares saturées. »
Autant The Ocean a été considéré comme un collectif, autant le line-up du groupe est resté stable depuis environ 2018. Ressens-tu les bénéfices de cette stabilité sur la cohérence de la musique et sur votre assurance dans l’expérimentation et le développement de votre son ?
Absolument, à cent pour cent. En fait, le line-up est le même depuis 2017. David [Ramis Åhfeldt] était le dernier à rejoindre le groupe, et avant ça, ça faisait depuis 2015 que nous jouions avec Matthias [Hägerstrand] et Paul [Seidel]. Ça fait donc sept ou huit ans que nous jouons avec les mêmes personnes, plus ou moins. Ceci, évidemment, apporte une certaine constance dans le son et aussi dans les habitudes. Le fait de se connaître sur les plans personnel et musical, de connaître les limites des capacités de chacun et le niveau de stress qu’ils peuvent endurer en tournée… Tout ça est très important pour devenir une unité capable de gérer les situations difficiles, qui est soudée et qui impressionne en concert. C’est quelque chose qui prend du temps. C’est pourquoi les groupes qui sont ensemble depuis vingt ans sont généralement à un autre niveau que ceux qui se sont formés récemment, même si ce sont de super musiciens. Ça prend du temps pour que tout le monde trouve sa place et s’harmonise parfaitement avec les autres. Je pense que nous sommes encore dans ce processus. Nous ne sommes pas arrivés à l’état final, mais clairement, nous nous connaissons tous très bien et nous nous apprécions en tant que musiciens et amis. Ça nous a clairement amenés à être plus confiants, et à essayer et nous permettre des choses qu’il y a quelques années nous n’aurions même pas pensées possibles ou comme faisant partie de l’expression de ce groupe. Aujourd’hui, nous estimons que tout est permis et que tout est possible. Et malgré tout, nous comprenons tous bien ce qui caractérise ce groupe. Le son s’est développé au fil des années, mais il y a aussi des éléments qui ont toujours été là et qui participent à la cohérence. Nous avons tous une idée de ce que sont ces éléments et comment les créer tout en expérimentant et essayant des choses que nous n’avons pas encore faites.
Tu as déclaré – et ça rejoint ce que tu disais plus tôt : « Le processus de composition des albums que [vous avez] faits a à chaque fois commencé avec un riff de guitare, un rythme de batterie ou une idée vocale à [toi]. Cet album est très différent puisque chaque morceau est basé sur une idée musicale initialement composée par Peter. » N’étais-tu pas déstabilisé par ce changement radical dans le processus ? Ou avais-tu besoin d’une nouvelle approche après toutes ces années ?
Je pense que j’en avais grand besoin, oui. Le fait que j’ai composé seul la majorité de nos albums précédents, ce n’est pas juste parce que je n’imaginais pas les faire autrement. J’ai toujours adoré l’idée d’une véritable collaboration créative où tu t’entends vraiment avec la personne avec laquelle tu écris, et où tu n’as pas besoin d’expliquer quoi que ce soit car les bonnes choses se font naturellement. C’est un peu ce qui s’est passé avec Peter. Le fait que nous n’avions pas pour ambition de faire un album quand nous avons commencé était important, je pense. C’était juste un échange d’idées pour voir où ça nous mènerait. Au final, ça nous a amenés à cet album, mais rien n’était planifié, et je pense que ça nous a mis à l’aise pour expérimenter sans la moindre attente. C’est ainsi, généralement, que les meilleures choses se produisent. Après avoir fait deux ou trois morceaux, il est devenu clair pour nous que nous étions en train de travailler sur un album de The Ocean.
C’était incroyablement excitant de travailler sur des chansons qu’une autre personne avait initiées, de ne pas commencer une chanson à partir d’une feuille blanche en me posant avec ma guitare, de prendre des choses que quelqu’un d’autre avait écrites, avec toutes les contraintes qui vont avec. Il y a des moments où, comme je n’avais qu’un accès limité aux pistes que Peter m’envoyait, je pouvais bien sûr bouger des choses et faire des essais, mais il fallait aussi que j’établisse mes propres constructions rythmiques. Comme il enregistre tout en analogique, il y a quelques fois où la boucle ne fonctionnait pas très bien, donc j’avais le choix soit de la redresser, soit de construire un rythme bizarre qui se calait dessus. La fin de « Sea Of Reeds », par exemple, est venue comme ça, à partir d’une boucle irrégulière que Peter m’avait envoyée, et j’ai essayé de comprendre ce qui s’y passait en construisant un rythme par-dessus et en réalisant qu’il fallait quelque chose de bien tordu pour que ça se répète et tourne bien. C’est ce qui a créé l’une des parties les plus cool de l’album, je pense. C’était donc un processus d’écriture et d’expérimentation très différent, où je travaillais avec des boucles, des idées qui n’étaient pas les miennes, tout en essayant de me les approprier et d’apporter quelque chose qui fonctionne bien avec. J’ai trouvé ça vraiment excitant, et je pense que j’en avais besoin, absolument !
Autant les chansons sur cet album se reposent beaucoup sur l’électronique, autant il y a aussi des moments où la lourdeur des riffs fait un soudain retour en force. Comment avez-vous abordé la dynamique entre ces deux éléments : l’électronique et l’organique ?
Si vous écoutez l’album de SHRVL, qui est en gros des morceaux solos de Peter que nous sortons dans le cadre du coffret, vous verrez certaines de ces idées sous leur forme originelle – telles qu’elles étaient lorsque Peter me les a envoyées avant que j’ajoute mes parties et que j’en fasse des morceaux de The Ocean. Je crois que, pour moi, ces idées originelles pointaient naturellement dans une certaine direction, et je ne faisais que suivre cette direction. Parfois ça demandait une partie heavy, et parfois non. C’est pourquoi la palette de sons et la relation entre les parties calmes et les parties heavy sont assez différentes d’une chanson à l’autre de l’album, mais au final, c’est ce qui lui donne de la dynamique et le rend intéressant. Je pense que j’avais très tôt une idée assez claire de l’ordre des chansons que je voulais, mais je n’avais pas totalement conscience du fait qu’un des vrais points forts de cet album est qu’il a une dynamique qui dépasse les morceaux individuellement. Si vous écoutez les quatre premières chansons, par exemple, la partie finale d’« Atlantic », quand ça devient assez heavy, aura plus d’impact ainsi que si vous commencez d’emblée par écouter « Atlantic » sans rien avant. Les trois premiers morceaux sont nécessaires pour mener à ce passage. C’est quelque chose qui m’est apparu clair seulement quand nous avions enregistré, mixé, ordonné les morceaux et écouté l’album. Là, tout commençait à avoir du sens. C’est l’un des moments les plus excitants, quand tu réalises que les choses se mettent en place et que le tout est plus grand que la somme des parties. Il y a quelque chose en plus qui se crée quand on écoute l’ensemble.
« Ce que les gens attendent du qualificatif ‘heavy’ est souvent superficiel, mais au final, il y a aussi une lourdeur émotionnelle. Je pense que quelque chose de ‘heavy’, c’est quelque chose d’immensément percutant, qui te prend à la gorge, qui te sort de là où tu es pour t’emmener ailleurs, et tu n’as pas le choix. »
Il y a beaucoup de cuivres dans Holocene et tu as dit que tu avais « toujours adoré le son des cuivres » et que tu avais développé « une obsession pour ça durant la composition de cet album ». Quelle a été ta relation aux cuivres ? Qu’est-ce que ça te procure ? Et d’où t’est venue cette obsession ?
Au départ, c’est parce que j’ai beaucoup grandi avec le jazz au travers de mon père. Il écoutait beaucoup de dixieland et de big bands de jazz, ainsi que des trucs plus progressifs. Il jouait aussi du piano : c’était un pianiste assez virtuose mais autodidacte. J’étais donc exposé à tout ça. Ceci étant dit, le jazz n’a jamais fait partie de mon univers. Il y a quelques trucs que j’aimais beaucoup, mais ça ne m’a pas vraiment façonné musicalement. Je n’ai pas non plus appris à en jouer. Donc les cuivres faisaient évidemment partie intégrante du jazz, mais cette utilisation très spécifique de ces instruments ne me parlait que de façon lointaine. C’est pourquoi j’ai toujours vu les cuivres comme de la musique de big band, et pas comme quelque chose qui pourrait convenir à de la musique heavy, maussade et atmosphérique. Mais quand j’ai commencé à travailler sur cet album, j’ai ajouté mes parties de guitare et de batterie sur les idées de Peter, et ensuite, j’ai tout de suite commencé à expérimenter avec des trombones et des cuivres. Je trouvais qu’avec leur saturation brutale et heavy, surtout dans les octaves plus graves, ça collait parfaitement au caractère sombre des morceaux. J’ai donc très vite pris la décision, pour cet album, d’utiliser exclusivement ce type d’instruments dans la gamme classique. Nous avons utilisé des cordes sur presque tous les albums précédents de The Ocean. Cette fois, je ne voulais pas faire ça. Je voulais me concentrer sur les cuivres, explorer cet univers et voir si ça fonctionnait. Au final, ça a très bien fonctionné. Il y a des arrangements de cuivres sur presque tous les morceaux de l’album, et je pense aussi que ça crée une certaine cohérence dans le son et l’atmosphère. Le fait de limiter le choix des instruments aux cuivres et au vibraphone, sans opter pour des instruments différents sur chaque morceau, a contribué à obtenir un son très particulier sur cet album, distinct des albums précédents de The Ocean.
C’est drôle parce qu’on dirait que de plus en plus de groupes de metal utilisent des cuivres. Ihsahn en a pas mal utilisé dernièrement, et tout le monde fait appel à Jørgen Munkeby de Shining pour jouer du saxophone sur leurs albums. Penses-tu que les cuivres, de façon générale, sont une catégorie d’instruments qui va bien avec les guitares et le metal en général ?
Absolument. Surtout avec la saturation des octaves plus graves des trombones et parfois des tubas, ça peut être très brutal. Quand tu souffles très fort, tu obtiens presque une distorsion dans le son qui va très bien avec les guitares saturées. Ça rajoute une certaine gamme de fréquences au spectre sonore qui fonctionne très bien, je trouve. Je connais tous les groupes que tu as mentionnés. Nous avons tourné avec Shining et la façon dont Jørgen emploie le saxophone est extraordinaire, mais c’est très différent de ce que nous faisons ici. Son approche est beaucoup plus jazzy et libre. Nous, nous utilisons des arrangements orchestraux. Souvent ce sont des notes longues et lentes qui fusionnent avec les guitares pour créer un accord et une sphère sonore. Je ne connais pas beaucoup de groupes qui ont déjà fait ça, mais je trouve que ça fonctionne à merveille et j’aimerais l’explorer davantage. Nous l’avons fait sur les albums Centrics. En fait, à l’époque, quand nous avons fait la tournée d’Heliocentric avec Shining, Jørgen jouait avec nous « The Origin Of God », le dernier morceau de l’album, qui comprend un ensemble de cuivres et un lead de saxophone. Il l’a joué en live et c’était à chaque fois génial. Ce n’est donc pas la première fois que nous utilisons ce type d’instrument, mais c’est la première fois que nous l’utilisons autant et de façon aussi exclusive.
Il y a des influences qui paraissent évidentes dans Holocene : Trent Reznor, Radiohead et Massive Attack. Peux-tu nous en dire plus sur l’impact que ces trois artistes ont eu sur vous et sur cet album ?
Je crois que nous sommes tous d’énormes fans de Massive Attack – nous nous en sommes rendu compte pas mal de temps après avoir commencé à jouer ensemble et à apprendre à nous connaître. Nous écoutons encore beaucoup Mezzanine dans le bus et dans le van. Nous avons déjà discuté de ça par le passé : où est cet album qui prend ça pour le mettre dans un contexte de musique heavy ? Nous avons toujours trouvé attrayante cette idée d’atmosphère qui donne l’impression d’un iceberg qui dérive lentement sous la surface, propulsé par des rythmes lents et lourds, mais placé dans un univers de musique heavy contemporain. Sans véritable volonté de faire ça ou sans schéma directeur, je pense que c’est un peu ce que nous avons obtenu avec Holocene. Il y a de nombreux passages où, je pense, on peut entendre assez distinctement la référence à Mezzanine. C’est un album avec lequel nous avons tous grandi et que nous adorons. Loïc est aussi un énorme fan de Trent Reznor, tout comme moi. Je trouve que la façon dont Loïc travaille sa voix est souvent assez similaire ; les mélodies et les voûtes vocales qu’il apporte me rappellent souvent l’approche de Reznor, donc je pense qu’il serait aussi probablement content de cette référence. Il n’y avait pas de décision consciente de faire un album qui sonnerait comme tel ou tel groupe, ou de travailler avec certains types d’influence. Tout ça, ce sont juste des choses que nous avons écoutées en grandissant et qui ont laissé des traces dans notre personnalité. Quand nous commençons à écrire de la musique, c’est ce qui sort, et c’est ce qui finit sur le papier.
Surtout la chanson « Atlantic », l’atmosphère peut rappeler celle de « The Great Below » de Nine Inch Nails…
Oh, j’adore ce morceau ! Ça me parle. C’est probablement ma chanson préférée de Nine Inch Nails. Les paroles sont très bonnes aussi. Je l’ai dans ma playlist depuis une éternité. Elle est géniale. C’est l’un de ces artistes qui nous mettent tous d’accord et qui ne nous ont jamais vraiment déçus. Je ne peux être que content qu’on nous compare à ça !
« Je pense que nous avons voulu créer un album très varié sur le plan sonore et presque ambigu et contradictoire pour refléter la confusion postmoderne de notre époque et la multitude de regards et d’approches concernant tout, et ce sentiment d’être submergé et massacré par l’information qui ne cesse de nous tomber dessus. »
Peter a dit que Mezzanine de Massive Attack était « un album immensément heavy, mais dans un autre genre ». Je ne sais pas si tu es d’accord avec lui, mais qu’est-ce que le terme « heavy » ou « lourd » signifie pour toi, à cet égard ?
C’est une bonne question, presque philosophique. Il faudrait que je trouve une réponse intelligente… Je pense que ce que les gens attendent du qualificatif « heavy » est souvent quelque chose de superficiel caractérisé par un certain son, ou un certain niveau de distorsion, ou une certaine vitesse, ou un certain assemblage d’éléments musicaux. Mais au final, il y a aussi une lourdeur émotionnelle. Je pense que quelque chose de « heavy », c’est quelque chose d’immensément percutant, qui te prend à la gorge, qui te sort de là où tu es pour t’emmener ailleurs, et tu n’as pas le choix. J’apprécie beaucoup dans l’art en général quand quelqu’un provoque ça en moi. Ça peut aussi arriver en regardant une peinture qui est profonde. Quand on te sort de ta zone de confort momentanée et qu’on sème le trouble émotionnel en toi, et qu’on te fait penser à quelque chose auquel tu ne pensais pas avant, et que tu es choqué, que tu es pris à la gorge et qu’on te plaque la réalité au visage, ça, pour moi, c’est heavy. Comme je l’ai dit, ça peut être accompli par des moyens très différents. Un artiste acoustique peut faire une chanson très heavy, par exemple, parce qu’elle est émotionnellement bouleversante et suffocante. Ce n’est donc pas qu’une question de distorsion. Mais évidemment, ça peut aussi l’être !
Pour toi, quelle serait la chanson la plus heavy sans guitare saturée ?
Je pense par exemple à Elliott Smith. Il a écrit des morceaux qui sont incroyablement heavy et suffocants sans aucune guitare électrique. Ça m’a toujours parlé, et ça a toujours été inconfortable à écouter, presque parce que, justement, la lourdeur est évidente et suffocante, même si elle n’est pas créée par des guitares heavy. Je pense que c’est un bon exemple. « The Great Below » est également un morceau immensément heavy, en un sens. Il donne l’impression de se noyer.
L’Holocene est l’ère de l’échelle géologique où l’humanité est apparue sur la planète. L’électronique est évidemment un symbole du développement technologique, mais on peut entendre des contrastes entre des passages paisibles et d’autres plus dramatiques, surtout avec la seconde partie sombre, sinueuse, agressive, un peu black metal d’« Unconformities ». Est-ce que ça pourrait représenter l’ambiguïté de la technologie qui à la fois serait notre salut et pourrait causer notre perte ?
Oui, je pense que c’est une bonne façon de le voir. Je pense que nous avons voulu créer un album très varié sur le plan sonore et presque ambigu et contradictoire pour refléter la confusion postmoderne de notre époque et la multitude de regards et d’approches concernant tout, et ce sentiment d’être submergé et massacré par l’information qui ne cesse de nous tomber dessus. Nous voulions le faire d’une manière qui soit toujours de bon goût et digeste, pas comme Atari Teenage Riot, qui serait aussi, je suppose, une expression très adéquate de cette sensation. Nous voulions que ça vienne plus de l’intérieur, d’un sentiment d’être perdu au milieu d’un excès d’informations arrivant de toutes parts. Je pense que c’est le sentiment de base derrière une bonne partie de ces chansons et de l’album dans son ensemble. Le résultat, c’est une musique et des approches très variées, allant de passages très longs, calmes, presque trip-hop, à des parties très lourdes, ayant un côté black metal, comme la fin d’« Unconformities ».
Ceci étant dit, au départ, chaque morceau a été composé individuellement, et ensuite nous les avons compilés pour former la playlist de l’album. Comme je l’ai dit précédemment, les idées de Peter pointaient dans une certaine direction, et elles menaient logiquement à d’autres parties que j’ai ajoutées aux chansons. Parfois, c’était quelque chose d’extrêmement heavy, et parfois c’était une chanson qui restait calme, comme « Sea Of Reeds », par exemple. Je suis à l’origine d’« Unconformities ». Je crois que c’est la seule qui n’est pas venue de Peter. Le début de cette chanson est tellement étrange selon les standards de The Ocean que j’ai voulu le contraster avec quelque chose de très différent. Au départ, c’était un peu une blague, pour être honnête. Pendant un bon moment, je ne pensais pas que ce morceau devait aller sur l’album. Ça nous a amenés à tenter d’enregistrer du chant, j’avais certaines idées, et ça n’a pas vraiment marché avec Loïc. Il ne le sentait pas, et le résultat n’était pas terrible. C’est la raison pour laquelle nous avons fait appel à Karin [Park] pour nous aider. Au final, après avoir entendu les parties de Karin, tout a commencé à avoir du sens, et je trouve que c’est devenu l’un des moments forts de l’album. C’était un morceau très étrange au début, il était différent du reste. Le processus a été long pour qu’il devienne ce qu’il est.
Il est différent, mais à la fois, il fait écho à « Pleistocene » sur l’album précédent…
Je suis d’accord. C’est pourquoi j’ai dit qu’à un moment donné il a fait sens. Je crois que « Pleistocene » était un cas similaire. C’est aussi un morceau assez lent et mélodique, pas très heavy, au début. Et j’avais aussi le sentiment qu’il fallait créer un contraste avec ça, et que ça devait évoluer pour devenir super heavy à la fin. J’avais la même intuition qu’avec « Unconformities ».
« Toutes ces choses qui t’affectent entrent dans une boîte noire et ça ressort sous la forme d’une chanson ou d’une idée musicale. Ce qui se passe entre les deux, c’est presque comme un rêve. Je pense qu’il y a très peu de logique. »
« Atlantic » est une autre chanson qui met l’accent sur le contraste et la dynamique. Elle commence de manière très subtile et calme avant qu’un énorme riff explose, presque en réaction ou comme si des sortes d’émotions ou d’énergies bestiales avaient été contenues. Ça pourrait représenter la tension entre l’homme et la nature, avec le premier qui serait représenté par la partie électronique calme et contrôlée, tandis que la seconde le serait par cet énorme riff qui se rebelle…
Je trouve que c’est une très belle interprétation de ce morceau. Nous devrions t’embaucher pour écrire nos textes promo ! [Petits rires] En tant que compositeur et musicien, généralement, on ne pense pas tout de suite à ce genre de chose. Ça vient après, quand on écoute son propre travail, qu’on le voit comme faisant partie d’un ensemble et qu’on se rend compte du rôle qu’il joue au sein de celui-ci. C’est là qu’on commence à trouver ce genre d’interprétation, mais ce ne sont pas des choix conscients qui sont là au début. Mais j’adore quand les gens voient les choses ainsi et trouvent des liens entre la musique et le fil rouge conceptuel, et des relations entre certaines parties de certaines chansons. Je trouve ça magnifique.
Je suppose que c’est aussi parce que ça suscite l’imagination. Même si vous n’avez pas ces interprétations au moment de la création, j’imagine que vous essayez de faire en sorte que la musique soit éloquente.
Bien sûr. Mais la composition est souvent intuitive. Elle dépend de plein de choses sur lesquelles je n’ai aucun contrôle. Et je pense que c’est pareil pour Peter. C’est une boîte noire qui reçoit certains apports, qui peuvent venir de la musique qu’on écoute en ce moment, de la musique qu’on écoutait il y a vingt ans et qui nous a façonnés, des expériences de vie quotidienne, de ce qu’on traverse dans sa relation amoureuse ou avec ses parents, ou simplement de ce qu’on ressent. Certains jours, tu te réveilles et tu es triste, d’autres jours, tu te réveilles et tu es plein d’énergie… Toutes ces choses qui t’affectent entrent dans cette boîte noire et ça ressort sous la forme d’une chanson ou d’une idée musicale. Ce qui se passe entre les deux, c’est presque comme un rêve. Je pense qu’il y a très peu de logique. C’est comme si toutes ces choses entraient et engendraient certaines réactions et idées, et ensuite, idéalement, ça se cristallise en une chanson, en une partie de chanson ou quelque chose comme ça. Comment c’est arrivé et qu’est-ce qui se passe exactement ? Je crois que la plupart du temps je n’en ai aucune idée, et c’est une bonne chose, parce que si je commençais à analyser ça et à travailler là-dessus de manière consciente, je ne suis pas sûr que j’écrirais une musique aussi percutante. Je pense qu’il faut qu’on accepte que certaines choses se passent par hasard, à cause de ce à quoi on a été exposés les heures, les jours et les années passés et de ce que ça nous fait à ce moment-là. Telle chanson ou telle partie est la photographie d’un instant. Je pense qu’on devrait embrasser et être contents de cette part d’imprévisibilité et de hasard dans le processus de composition.
Tu as déclaré que c’était « essentiellement un album sur l’angoisse existentielle, l’aliénation, la perte de raison et d’esprit critique, la montée des théories du complot et de la déconstruction des valeurs à l’ère moderne ». L’album a été conçu durant la pandémie : dans quelle mesure avez-vous été inspirés par cette période et ce qui s’y passait, notamment la façon dont les gens agissaient ? Penses-tu que nous avons atteint un autre niveau de « perte de raison et d’esprit critique » ?
Assurément. Certaines des théories du complots nées de la pandémie étaient clairement le symptôme d’un plus large manque d’esprit critique qui préexistait et existe encore aujourd’hui au quotidien. Je pense qu’il est difficile de remonter à son origine, mais en général, une bonne partie du contenu médiatisé, en particulier aujourd’hui dans les infos et sur les réseaux sociaux, est affecté par notre capacité de concentration. Elle est si faible que les gens ne listent même plus l’intégralité d’un article, ne se posent plus pour lire un livre ou ne prennent plus le temps de réfléchir à un sujet en profondeur et en détail. Ça vient purement de la domination de l’image. Ce qui nous amène à Guy Debord, qui est un peu le fondement conceptuel de cet album. Tout tourne autour de l’impact et des visuels spectaculaires à effet immédiat, ce qui fait qu’on se désintéresse des discours et des choses qui prennent un peu plus de temps à comprendre et pour arriver à une conclusion. C’est le sujet principal de cet album. En fait, le contenu est remplacé par la représentation, toujours avec ce souci de savoir comment les gens nous perçoivent, et tout ce qui ne s’enflamme pas en quelques secondes est ignoré. Cette mentalité mène à une perte d’esprit critique parce qu’on n’a plus l’habitude du fait que parfois, les bonnes choses prennent du temps et qu’on doit leur accorder ce temps. C’est aussi vrai de la musique et de l’art. Si vous zappez un morceau au bout de vingt secondes parce que le riff heavy que vous attendiez n’arrive pas, il se peut que vous passiez à côté de quelque chose, et je pense que c’est valable pour cet album.
Pour revenir au début de ta question, comment la pandémie nous a affectés ? Je pense que chacun devrait répondre individuellement, mais en tant que groupe, c’était bien sûr une période difficile. Quand tout a commencé, je pense que nous étions tous assez contents, car nous tournions beaucoup depuis 2019, donc c’était bien d’être à la maison pendant un temps. Mais ensuite, ça a commencé à devenir vraiment ennuyeux, et une année s’est écoulée sans que nous nous soyons vus. Le pire est que personne ne savait quand ça finirait. Tout d’un coup, tout le monde était posé chez soi et avait beaucoup de temps pour réfléchir, et c’est là que toutes ces idées folles ont éclaté dans mon cercle d’amis, avec toute la ségrégation sociale qui allait avec, les gens étaient divisés en plusieurs camps sur la base de ce qu’ils croyaient et ne croyaient pas. C’était une période vraiment bizarre. Et c’est à ce moment-là qu’Holocene a été écrit, donc nous étions vraiment sous l’influence de cette période sans précédent. Tout ce qui se passait autour de nous a définitivement laissé une marque sur ce disque et ses textes.
La biographie promotionnelle va jusqu’à qualifier cet album d’« acte de résistance contre notre société du spectacle. » Dresserais-tu un parallèle avec la chute de l’Empire romain ? Il y a cette fameuse expression latine datant de la Rome antique : panem et circenses – du pain et des jeux…
Absolument. Je trouve que c’est une comparaison très légitime. On sait seulement ce que les historiens nous racontent sur cette époque, mais il y a plein d’aspects très comparables. Le rôle du spectacle dans la société romaine est très similaire à son rôle dans notre société actuelle, surtout sur les réseaux sociaux. Ce dont j’ai déjà parlé plus tôt, le fait que les choses doivent être extrêmes et percutantes, et qu’elles doivent s’enflammer et provoquer une réaction en une très courte fraction de temps, autrement on s’ennuie et on passe à autre chose… Ça conduit essentiellement aux arènes et aux lions qui déchiquettent des gens parce que c’est probablement la chose la plus extrême qu’on puisse encore imaginer de nos jours, et ça a déjà été institutionalisé il y a deux mille ans, ce qui est dingue quand on y pense.
« Tout tourne autour de l’impact et des visuels spectaculaires à effet immédiat, ce qui fait qu’on se désintéresse des discours et des choses qui prennent un peu plus de temps à comprendre. Ça mène à une perte d’esprit critique parce qu’on n’a plus l’habitude du fait que parfois, les bonnes choses prennent du temps et qu’on doit leur accorder ce temps. C’est aussi vrai de la musique et de l’art. »
Le livret de l’album contient des citations de Guy Debord et Raoul Vaneigem. Quel impact leurs écris ont-ils eu sur toi ? T’y es-tu intéressé récemment ?
Non, en fait, j’ai lu La Société Du Spectacle durant mes études. J’ai étudié la philosophie, et je crois que j’ai obtenu ma maîtrise en 2010, donc il y a déjà un moment que j’ai lu ce livre. Mais d’une certaine façon, je suis retombé dessus durant la pandémie, pendant que j’étais en train de réfléchir à certaines choses, et je me suis mis à le relire. Je l’ai trouvé encore très pertinent. C’est étrange quand on pense qu’il est sorti en 1967, bien avant internet, mais à la fois, une bonne partie des analyses qui y sont présentées ressemblent à une analyse des réseaux sociaux contemporains et à notre société d’Instagram et de YouTube. Donc, en ce sens, c’est presque prophétique. Je trouve que c’est encore plus intéressant quand on sait que ça a été écrit bien avant la naissance d’internet. J’y ai donc été déjà exposé durant mes études, mais j’ai commencé à le relire durant la pandémie.
Le chant de Loïc reste clair sur une majorité de l’album : penses-tu que sa voix claire représente mieux la touche humaine de l’holocène ?
On peut sans doute dire que nous voulions nous éloigner des cris bestiaux préhistoriques pour une approche plus humaine du chant. C’était en partie une décision consciente parce que nous trouvions que ça allait mieux avec ce type d’album moderne qui aborde la dernière époque géologique, celle avec l’humanité, que les cris. Et puis, encore une fois, les chansons pointaient dans cette direction. Si tu demandais à Loïc, il te dirait que pour lui, les besoins d’une partie – que ce soit du chant clair ou des cris – sont toujours très clairs dès le début. Même s’il n’a pas encore de ligne mélodique, il sait émotionnellement ce qu’il veut faire et comment il veut chanter sur une partie. Il se trouve juste que de nombreux morceaux sur cet album n’avaient pas besoin de cris. Il y a toujours des parties heavy avec du chant crié, principalement dans « Subatlantic » et « Unconformities », mais une grande partie des chansons ne l’exigeaient tout simplement pas.
Nous avons passé beaucoup de temps sur les enregistrements de chant cette fois, et nous ne voulions vraiment rien forcer, mais laisser chaque partie nous indiquer naturellement ce qu’il fallait vocalement. Nous avons aussi pris un peu de recul entre les sessions d’enregistrement pour vraiment nous faire aux parties de chant. Souvent, nous revenions après coup sur une partie pour essayer quelque chose. Nous avons passé plus de temps à travailler les voix sur cet album que sur tous les autres. Et je ne sais même pas si c’était toujours bien, parce que parfois, quand on a trop de temps, on commence à remettre en question des choses qui étaient déjà bonnes et qui auraient dû être gravées dans le marbre. On se met à essayer de nouvelles choses et au final, on est perdu. Mais je pense quand même que, dans le cas présent, ça nous a beaucoup aidés. Il y avait quelques parties criées au début dont nous avons fini par nous débarrasser parce qu’elles ne nous paraissaient pas nécessaires et elles emmenaient la chanson dans une direction qui ne nous convenait pas. Ça fonctionnait, c’était une approche valable pour cette partie ou cette chanson en particulier, mais nous ne voulions pas que ça parte dans cette direction, et nous nous disions que chaque morceau ne devait pas forcément atteindre un maximum d’intensité – or le chant crié est généralement le maximum de l’intensité, le cent pour cent si tu veux. Nous trouvions que la plupart des chansons n’avaient pas besoin de ça et que, dans son ensemble, l’album fonctionnait mieux si nous décidions de virer ces parties dans certains morceaux de façon à ce que les quelques moments où des cris apparaissent soient encore plus percutants. Je ne regrette aucune décision concernant l’album aujourd’hui. Les rares parties criées qui y figurent sont très importantes et percutantes, notamment parce que nous avons calmé les voix sur pas mal de passages avant et après celles-ci.
On peut entendre du français parlé sur « Preboreal ». Comment Loïc s’est-il retrouvé à utiliser sa langue maternelle ? Quel est le sens d’avoir du français ?
C’est un texte de Debord, donc c’est en français de base. Loïc en a eu l’idée. Il s’est dit que cette partie avait besoin d’une voix parlée, puis il a essayé avec le texte d’origine, rien qu’en lisant au hasard des passages qu’il pensait pouvoir coller, mais ça sonnait forcé. Nous aimions globalement l’idée, mais il n’était pas à l’aise en le faisant. Nous avons fini par demander à la femme de Chris Edrich, qui fait le son live de The Ocean depuis de nombreuses années, de s’en occuper. Elle est israélienne, le français n’est pas sa langue maternelle. Et pour être honnête, je ne sais pas comment c’est arrivé ou pourquoi il lui a demandé, mais il m’a fait écouter ces parties avec elle qui récite le texte, et au final, nous étions tous les deux d’accord pour dire que c’était super et que ça collait bien.
« A un moment donné, nous pensions pourchasser des chimères et chercher quelque chose qui n’existait pas, et ça nous a beaucoup frustrés. Nous n’étions pas loin de dire : ‘J’emmerde cet album. Il ne sera jamais terminé.' »
Tu as commencé à l’évoquer : la chanteuse norvégienne Karin Park apparaît sur « Unconformities ». Qu’est-ce qui vous a poussés à avoir une voix féminine en particulier à ce moment-là de l’album et de la narration ?
Comme je l’ai mentionné, « Unconformities » était l’un des étranges morceaux de l’album sur lequel Loïc et moi avons essayé certaines idées de chant que j’avais et ça ne marchait pas vraiment. Nous en sommes donc arrivés à un point où nous pensions avoir besoin d’aide. C’est là que Karin est entrée en jeu. C’était tout simplement la première personne qui m’est venue à l’esprit. Pas parce que je voulais forcément travailler avec une voix féminine, mais parce que je suis un grand fan et que j’ai toujours voulu faire quelque chose avec elle. Je la connais grâce à Årabrot, dont je sors les albums sur Pelagic Records, et aussi par le biais de ses projets solos. Elle a une voix incroyable et rare, et je pouvais m’imaginer une collaboration. Je voulais entendre sa voix sur une chanson de The Ocean. Donc quand Loïc et moi sommes arrivés dans une impasse vocalement avec ce morceau, et que j’ai senti que nous avions besoin d’une autre approche et qu’on nous aide, Karin est la première personne à laquelle j’ai pensé. Je lui ai envoyé le morceau, elle l’a aimé et nous l’a renvoyé avec ses idées pratiquement telles qu’elles sont sur l’album. C’était intuitivement génial, et ça a vraiment transporté la chanson dans une autre sphère – en fait, pas seulement la chanson, mais tout l’album. C’est quelque chose dont nous avons pris conscience après coup. C’est un passage assez important dans l’album, aux deux tiers environ. C’est là que beaucoup de bons albums perdent de leur élan parce qu’on a entendu cinq ou six super chansons très bien exécutées, mais on sait un peu ce qu’on va obtenir avec la septième ou huitième chanson, donc elles perdent de leur impact à ce moment vraiment crucial. Je pense que la contribution de Karin ici évite ça. Elle apporte quelque chose de neuf et donc de très important à ce moment-là de l’album quand souvent ça commence à devenir médiocre. J’en ai pris conscience seulement une fois que la tracklist finale, incluant ce morceau, a été faite.
Vous avez enregistré l’album entièrement par vous-mêmes au studio de Peter. Est-ce parce que vous avez désormais tous l’assurance et les compétences pour le faire ? Avoir le contrôle de chaque aspect de l’enregistrement est-il quelque chose que vous recherchiez depuis longtemps ?
Je suppose que pour les albums précédents, nous avons toujours voulu aller dans un joli studio, surtout au début pour commencer le processus d’enregistrement, car c’est aussi une question d’inspiration. C’est la raison pour laquelle, pour les albums Phanerozoic, nous sommes allés en Islande pour l’enregistrement de la batterie, qui est toujours la première partie du processus. L’idée a toujours été de nous sortir de notre environnement habituel et d’aller dans un endroit où nous ne sommes jamais allés, de nous inspirer de la nature environnante, et de vraiment nous enfermer dans notre cocon créatif et y enregistrer. Et ça a bien marché, mais la conséquence est aussi qu’à chaque nouvel album, nous nous creusions la tête pour savoir où aller et avec qui travailler. C’est comme le fait d’avoir autant de personnes qui passent dans le line-up du groupe, ça implique qu’on n’avance pas vraiment, on repart toujours de zéro. Nous avons réalisé que nous ne voulions plus que ce soit comme ça. Nous voulions notre propre installation, un endroit où nous pourrions revenir. En parallèle de cette prise de conscience, Peter a commencé à construire son studio dans le nord de l’Allemagne, qui est un bel endroit à la campagne, dans un ancien moulin, où il a la salle parfaite pour la batterie. C’est une pièce de douze mètres carrés avec un sol et un plafond en bois ; le son de batterie y est incroyable. C’était donc logique pour nous d’aller là-bas et d’essayer de le faire nous-mêmes. Peter était déjà un ingénieur expérimenté. Nous avons acheté du matériel et des micros supplémentaires. Nous nous sommes dit qu’il valait mieux investir une fois maintenant et avoir une configuration confortable pour le futur, plutôt que de dépenser de l’argent dans un studio extérieur. C’était donc une sorte de retour aux sources qui avait du sens sur le plan financier mais aussi dans la construction de quelque chose qui serait là pour les prochains albums et nous éviterait de repartir à la case départ.
Le reste de l’album a été enregistré à Berlin et c’était une situation un peu similaire. Loïc et moi avons aménagé notre propre salle de répétition, un petit studio, durant la pandémie. Je crois que nous avons commencé début 2020, en fait. Nous avons trouvé ce superbe espace à côté de l’entrepôt Pelagic à Kreuzberg. Nous avons passé deux ou trois mois à y construire une scène, mais aussi un studio. En gros, nous avons démantelé une maison à Brême et récupéré tout le vieux bois pour le mettre dans les murs et faire une cabine d’enregistrement pour le chant et les guitares. Avec ça, nous sommes enfin indépendants. Nous pouvons enregistrer la batterie chez Peter, et pour tout le reste, nous avons notre petite salle à Berlin où Loïc peut aussi se rendre pour répéter son chant à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. S’il me vient une idée et que ma copine dort, je peux y aller pour enregistrer, donc c’est super d’avoir cet endroit. Ça nous rend plus libres et flexibles au final.
D’un autre côté, vous avez fait appel au producteur suédois Karl Daniel Lidén pour mixer et masteriser l’album. Apparemment, un certain nombre de gens ont fait des mix tests mais tous ont eu du mal à obtenir le son que vous recherchiez pour cet album. Tu as dit que tu voulais un son plus organique cette fois. Faire qu’un album très électronique sonne organique peut paraître contradictoire : était-ce la grosse difficulté ?
Je pense que la difficulté est en effet qu’il y avait beaucoup de contradictions. Les choses que nous voulions étaient contradictoires, ou en tout cas, elles nous le semblaient. Nous voulions que ce soit gros, mais à la fois organique. Nous voulions un son de batterie ample, spacieux et presque ambiant, avec lequel on peut ressentir la pièce. Ca fonctionnait pour certaines des parties plus calmes, mais pas pour celles comme la fin d’« Unconformities », qui est très dense, avec beaucoup de guitare metal et de grosse caisse. Il était donc presque impossible de trouver un compromis qui fonctionnait pour toutes les parties de l’album. A un moment donné, nous pensions pourchasser des chimères et chercher quelque chose qui n’existait pas, et ça nous a beaucoup frustrés. Pendant six mois, nous avons attendu que des gens fassent des mix tests, et aucun ne sonnait comme ce que nous voulions pour cet album, c’en était même loin. A un moment donné, Peter a voulu mixer l’album lui-même, mais là encore, ce n’était pas à la hauteur de nos espérances. Nous n’étions pas loin de dire : « J’emmerde cet album. Il ne sera jamais terminé. »
« Holocene était en quelque sorte un enfant non désiré. C’était quelque chose qui n’était pas prévu et qui est arrivé comme ça, donc c’est assurément le dernier sur cette thématique. »
C’est là que Karl Daniel est entré en jeu, et honnêtement, je ne sais pas pourquoi je ne lui ai pas demandé plus tôt. Je le connais depuis des années. Il était le batteur de mon autre groupe, The Old Wind, et il a aussi mixé le morceau pour la compilation que nous avons faite en 2022, un projet collaboratif où différents artistes réinterprétaient des chansons de Lustmord. The Ocean a fait un morceau pour ça et Daniel l’a mixé, ça sonnait fantastique. Je ne sais pas pourquoi nous n’avons pas pensé à lui avant. Certaines personnes qui ont fait des mix tests étaient très connues. Je pense que c’était aussi une bonne idée de faire appel à quelqu’un ayant une grande expérience et qui ait une bonne réputation dans le domaine de l’ingénierie musicale pour mixer notre album et voir ce qu’une telle personne pouvait apporter, mais au final, ce n’est pas la popularité ou les groupes cool avec lesquels elle a travaillé qui importe. Ce qui importe, c’est si elle comprend le son que doit avoir l’album. Certaines personnes à qui nous avons fait appel ne convenaient tout simplement pas. Ça a été un long périple ; pendant longtemps, ça nous a presque plus désorientés que ça nous a rapprochés de l’objectif, donc je ne veux plus faire de mix tests. Je pense que c’est pareil que pour l’enregistrement avec nos studios. Idéalement, nous voulons refaire appel à la même personne, quelqu’un à qui nous pouvons confier nos albums et le laisser les finaliser. Et il se peut que nous l’ayons trouvé avec Karl Daniel, qui sait ?
Ça n’a pas quand même un peu aidé que Peter utilise des sons analogiques pour obtenir ce côté plus organique ?
Absolument. Les synthés n’ont jamais vraiment été un problème. C’est une contradiction superficielle de penser que parce que l’album est plus électronique, il serait plus numérique. Ce n’est pas le cas, parce que les synthés sont tous de beaux et vieux instruments vintages analogiques. Le plus gros problème venait de la diversité des musiques et de leurs contradictions. Trouver une approche cohérente était très difficile. Chaque morceau avait pratiquement besoin de sa propre approche du mixage. A la fois, tu n’as pas envie d’utiliser un son de grosse caisse différent pour chaque morceau. Il faut un semblant de cohérence entre les instruments qui sont joués sur chaque morceau pour que ça sonne comme un album et pas juste comme une playlist aléatoire ou une compilation de chansons de différentes époques. Je pense que c’était ça le plus gros défi. Mais bien sûr, le fait que Peter utilise principalement des synthés analogiques a globalement aidé à créer ce son chaud et organique que l’album possède aujourd’hui.
Autant Holocene est une nouvelle approche du son de The Ocean, autant on y retrouve des références à votre discographie passée. Penses-tu qu’il y a un côté boucle qui se referme ou une jonction entre passé et futur ?
Peut-être. Je serais curieux d’entendre où exactement les gens entendent des références à notre discographie passée. Je suis trop impliqué pour vraiment le dire. Je pense qu’il y a quelques passages où je peux en entendre, où je me suis dit : « Oh ouais, ça aurait pu être sur Pelagial », par exemple. Certaines personnes m’ont dit qu’elles voyaient des références à des riffs de l’époque Fluxion, et j’étais là : « Ouah, vraiment ? » Encore une fois, c’est toujours intéressant de voir ce que les gens extérieurs pensent, plus que ce que les musiciens pensent, car nous sommes trop impliqués. Je trouve ça sympa. C’est évidemment un album très différent de la plupart de nos albums passés, donc s’il y a des références qui rappellent quand même différentes époques du groupe, alors c’est super. Ça peut être un cycle qui se referme et à la fois, ça évite que l’album soit trop aliénant pour les gens qui nous ont suivis jusqu’à présent et qui doivent se faire à un album un peu différent.
Tu l’as mentionné : l’édition limitée d’Holocene est accompagnée d’un album parallèle de musique électronique ambiante composée par Peter sous le nom de SHRVL et baptisé Limbus. Penses-tu que cet album solo de Peter peut offrir un regard différent sur Holocene ?
Absolument. C’est pour cette raison que nous avons décidé de faire ça. Je crois que je l’ai dit tout à l’heure, mais certaines des idées présentes sur Limbus sont très proches de celles que Peter m’a envoyées sous leur forme originelle et qui sont ensuite devenues les chansons d’Holocene. Le morceau « Response » que nous avons dévoilé est lié à « Subatlantic » d’Holocene, et vous entendrez des parallèles entre les deux morceaux quand vous les écouterez. Puis une autre moitié de l’album de SHRVL est un seul long morceau de trente minutes. C’est complètement à part ; c’est un morceau que Peter ne m’avait pas envoyé à l’époque, donc je n’ai rien fait avec pour The Ocean, mais il l’a composé à peu près au même moment. Je ne sais pas pourquoi il ne me l’a pas envoyé, probablement parce que c’était trop long. Ça fait donc aussi partie de l’album de SHRVL et ce n’est pas du tout lié à Holocene, mais les quatre autres morceaux sont tous des idées qui ont été utilisées dans ce dernier. Donc je trouve que c’est intéressant quand on écoute les deux albums à la suite, qu’on les compare et qu’on voit les parallèles, c’est un peu un aperçu du processus de création d’Holocene, pour les gens qui s’intéressent à The Ocean. Mais les chansons de SHRVL s’apprécient aussi en tant que telles, et l’album est super en soi, indépendamment de la façon dont j’ai réutilisé des musiques pour l’album de The Ocean.
« Nous écrivons assez vite généralement, mais tout ce qui vient ensuite, c’est-à-dire l’enregistrement, le mixage, l’artwork, ça prend une éternité. Si je pouvais appuyer sur un bouton et transformer ces idées directement en album final, ce serait génial. «
Holocene est le dernier chapitre de votre série d’albums inspirée par les périodes de la Terre, vous les avez toutes explorées, et donc ça met fin à tout un pan de la carrière du groupe. Dirais-tu que The Ocean est en train de tourner une page ?
Oui, c’est clairement le dernier album sur cette thématique. Phanerozoic II était censé être le dernier. Comme je l’ai dit, Holocene était en quelque sorte un enfant non désiré. C’était quelque chose qui n’était pas prévu et qui est arrivé comme ça, donc c’est assurément le dernier. Je ne sais pas si je l’ai mentionné, mais j’ai écrit tout seul un second album à la même période où je travaillais sur Holocene avec Peter. Cet album n’est pas encore enregistré, il n’en est qu’à la phase de préproduction, mais il renvoie peut-être plus musicalement à la première moitié de Phanerozoic II, tandis qu’Holocene renvoie plus à la seconde moitié, je pense. Et pour cet album, j’ai déjà une sorte d’idée conceptuelle, et c’est très détaché du sujet paléontologique. Ce sera clairement un nouveau chapitre.
Ce sera donc avec The Ocean ?
Oui, absolument. Je ne sais pas quand nous l’enregistrerons parce que cette année est déjà pleine. Il y a les festivals d’été maintenant et nous allons commencer à tourner à l’automne. Comme tu peux le voir, nous écrivons assez vite généralement, mais tout ce qui vient ensuite, c’est-à-dire l’enregistrement, le mixage, l’artwork, ça prend une éternité. Je suis donc pratiquement certain que le second album ne sortira pas en 2024, mais avec un peu de chance, nous pourrons l’enregistrer cette année et en 2024, et nous le sortirons en 2025. C’est toujours frustrant. Si je pouvais appuyer sur un bouton et transformer ces idées directement en album final, ce serait génial, mais malheureusement, ça prend toujours beaucoup de temps.
Les musiques ne vont pas évoluer durant ce laps de temps ?
Ça peut arriver, bien sûr. Les chansons sont déjà pas mal abouties, mais évidemment, ça change et évolue toujours quand nous les enregistrons au studio. Tout le monde apporte ses parties et les cuivres MIDI sont remplacés par de vrais musiciens. Beaucoup de choses se passent durant ce processus. Mais je pense que si vous compariez les préproductions d’Holocene au résultat final, vous remarqueriez surtout des différences dans les sons, pas tellement dans les arrangements ou l’instrumentation. Avec un peu de chance, vous réaliseriez que le son de guitare est bien meilleur que sur les préproductions, que la batterie est désormais une vraie batterie et pas juste une boîte à rythmes, et que les cuivres sont bien plus musicaux avec plein de jolis détails que Mattias [Hägerstrand] a rajoutés. Mais les chansons de base sont les mêmes, plus ou moins. Je pense que ce sera aussi vrai de ce second album. Il est écrit en intégralité, il est là, mais bien sûr, des détails vont changer et être développés.
Peux-tu déjà partager quelques informations sur le thème de ce prochain album ?
Non. Pour l’instant, nous nous concentrons sur Holocene, et comme je l’ai dit, je n’en suis qu’aux premières étapes de la réflexion. J’ai une idée que je veux explorer, mais elle n’est pas totalement aboutie, et je ne sais même pas si je vais prendre cette direction au final. Holocene va nous occuper cette année et probablement la prochaine. Nous n’avons même pas commencé à apprendre les chansons pour les concerts, donc nous devons nous focaliser là-dessus avant de penser au prochain album.
Indépendamment de ce prochain album, y a-t-il des concepts ou des idées que tu aurais en tête depuis plusieurs années et que tu aimerais explorer à l’avenir ?
Pas vraiment. L’écriture des paroles est toujours la toute dernière étape du processus créatif, et ce n’est pas comme si j’avais déjà dans un coin de ma tête des thèmes pour les cinq ou six prochains albums conceptuels. C’est généralement quelque chose qui vient quand j’ai un album et que je commence à travailler sur les paroles. C’est toujours lié au moment présent de ma vie et aux expériences que je vis, à ce que je lis, etc. Je n’aime pas trop anticiper les choses, que ce soit les tournées, la vie du groupe, sa carrière ou les albums conceptuels. Ceci dit, c’était différent pour un album : Pelagial. Ça faisait longtemps que j’en avais l’idée – des années en fait. Je me disais : « A un moment donné, je vais faire cet album. Ce sera un voyage de la surface jusqu’aux fonds marins. Je veux que la musique reflète ce voyage et qu’elle devienne plus profonde, lourde, lente et grave à mesure qu’on descend. » J’avais cette idée en tête, avant même les albums Centric, mais je ne savais pas trop comment l’aborder. J’ai fondé Pelafic Records en 2009, et à cette époque, j’avais déjà l’idée de faire l’album Pelagial, mais j’ai d’abord écrit les albums Centric. Ça a pris du temps à développer, et c’est notamment parce que je ne savais pas comment aborder les textes. Il y avait beaucoup de questions ouvertes, et je n’ai eu de cesse de le repousser et de me concentrer sur des trucs plus immédiats. Pour moi, les albums Centrics étaient très clairs et faciles à aborder conceptuellement, alors que Pelagial était un vrai défi, donc je me suis dit : « Ok, on verra plus tard ! » C’est le seul album pour lequel j’avais une idée à l’avance. Aujourd’hui, je suis vide et content de l’être ; j’ai tout mis dans Holocene. Comme je l’ai dit, je commence lentement à comprendre ce que je veux faire avec le prochain album, mais il n’en est encore qu’aux premiers stades de développement. Mettons-le de côté pour l’instant et concentrons-nous sur Holocene.
Interview réalisée par téléphone le 10 mai 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Simon Kallas (1), Jaqueline Vanek (2, 4, 6, 8), Harry Heuts (3, 9) & Geoffrey Wallang (7)
Site officiel de The Ocean : www.theoceancollective.com