Dans un récent article du Los Angeles Times, le chanteur David Lee Roth est cité qualifiant A Different Kind Of Truth, le nouvel album de Van Halen, de « collaboration avec le passé ». Et pour cause, comme l’avait également évoqué Roth, le groupe s’est réapproprié du matériel musical, des paroles et des démos datant de 1975 à 1977 qui avaient été délaissées à l’époque de leur premier album. Nombre de ces titres peuvent d’ailleurs être entendus sur divers bootlegs pré-80. En sus, les connaisseurs reconnaîtront dans le titre « Blood And Fire » quelques passages empruntés à l’instrumental « Ripley » originellement entendu dans le film The Wild Life sorti en 1984.
Alors, que cache ce vide-grenier ? Pourquoi des titres qui n’avaient pas été jugés assez bons à la fin des années 70 le seraient assez aujourd’hui ? Sammy Hagar, l’ex-chanteur de Van Halen, qui n’a pas sa langue dans sa poche lorsqu’il s’agit de parler de son ancien groupe, pense avoir la réponse : « Je pense que c’était probablement intentionnel parce que je ne pense pas qu’ils aient eu le choix. S’ils avaient eu le choix, ils auraient fait de nouvelles choses. Ils auraient écrit quelque chose en tant que groupe. […] Je pense qu’il n’y a ni inspiration ni créativité. S’il y en avait, ils auraient écrit de nouvelles chansons. »
Peut-être que Hagar a raison. Peut-être que les musiciens ne savaient pas vraiment quoi faire ensemble (si tant est qu’Eddie Van Halen et David Lee Roth puissent vraiment se retrouver à travailler ensemble dans une même pièce malgré leurs égos). Ce qui pourrait en partie expliquer l’absence de communication pendant la confection de cet album et les démentis systématiques lorsqu’une fuite arrivait aux oreilles de journalistes : le groupe voulait peut-être se réserver un droit de retrait en cas d’échec. Mais il est aussi possible de voir ceci sous un meilleur angle.
Si l’on exclut les deux titres inédits présents sur la compilation Best Of Volume I daté de 1996, cela faisait 29 ans que les frères Van Halen et David Lee Roth n’avaient pas œuvré ensemble sur un nouvel album. Et si cette nouvelle collaboration avait fait resurgir des souvenirs et une envie nostalgique de revivre, même artificiellement, le glorieux passé ? Sans compter que nombreux étaient les inconditionnels des années Roth à les réclamer sur le terrain des débuts musicaux du groupe. Alors, que faire pour retrouver ces marques-là où on n’a pas mis les pieds depuis près de trente ans ? Van Halen a trouvé son catalyseur en dépoussiérant l’album souvenir et les trésors égarés.
Sur la forme, il n’y a aucun doute, l’objectif est atteint : A Different Kind Of Truth renvoie l’auditeur plus de trente ans en arrière. Donc, pas d’expérimentation comme on avait pu en entendre sur le mésestimé (sous-estimé ?) Van Halen III, dernier opus en date jusqu’alors. Van Halen navigue ici en zone de confort sans chercher à repousser sa musique vers de nouveaux horizons. Le plaisir éprouvé à l’écoute de l’album est en premier lieu nostalgique. D’ailleurs, le simple fait de retrouver les jeux caractéristique des frères Van Halen, qui ne s’étaient pas faits entendre sur album depuis 1998, suffit à justifier son existence. Le groupe n’a probablement pas eu à se torturer les méninges bien longtemps et à forcer l’inspiration pour en arriver à un résultat aussi classique et gorgé de plans coulant sans doute naturellement dans les veines du maître Eddie. D’ailleurs, l’inspiration ils n’ont pas eu à la chercher bien loin, comme évoqué plus haut, mais force est de reconnaître qu’ils auraient eu tort de ne pas profiter de leurs vieux matériaux s’ils pensaient pouvoir en faire de bonnes chansons.
A Different Kind Of Truth a le mérite de faire illusion. Une illusion seulement brisée par l’absence des chœurs caractéristiques de l’ex-bassiste Michael Anthony qui a été remercié au profit de la progéniture du guitariste, Wolfgang Van Halen. La base instrumentale n’a d’ailleurs rien perdu de sa technique et impressionne plus que jamais. Plus encore, Eddie Van Halen n’a pas fait preuve d’un tel feu depuis bien longtemps. Les amateurs du jeu caractéristique du guitariste seront assurément éblouis et comblés par ses rythmiques brodées dont lui seul a le secret et ses envolées mélodiques qui font mouche (le solo remarquable de « Blood And Fire »). Outre Eddie et son frère Alex qui n’a rien perdu de son sens du groove, le fiston Wolfie n’est pas en reste et prouve qu’il est bien le fils de son père. A cet égard, il se paie même le luxe de le suivre sur certaines phrases rapides ou en tapping (« China Town » en est un bon exemple), le résultat faisant par moments penser au duo Paul Gilbert / Billy Sheehan chez Mr. Big. Fait qui paraît bien ironique lorsque l’on sait qu’Anthony reprochait récemment à Van Halen de lui avoir imposé pendant des années de ne « jouer que la note fondamentale pour maintenir la fondation rythmique ». A l’instar du fait qu’il a fallu attendre le départ de Jason Newsted de Metallica pour à nouveau entendre la basse dans le groupe, il a fallu attendre le départ du pourtant doué Michael Anthony pour voir l’espace d’expression de la basse prendre à nouveau de l’ampleur dans Van Halen. Sans doute que le seul tort d’Anthony avait été de ne pas être un « Van Halen ». Le groupe a toujours été avant tout une affaire de famille et peut-être que même David Lee Roth ne serait pas là aujourd’hui s’ils avaient eu un cousin chanteur sous le coude.
Un David Lee Roth probablement davantage là pour son histoire avec le groupe que par alchimie ou, plus clairement, pour des raisons commerciales plus que viscérales. On imagine mal, avec le passif du groupe avec Roth, que leurs relations soient aujourd’hui autre que purement professionnelles (le groupe imposerait que la loge du chanteur soit la plus distante possible de celles des trois autres musiciens lors des concerts, selon le tour-rider de la tournée 2008). Dans les faits, sur l’album, même si Roth reste à 58 ans un chanteur très capable et que son style demeure toujours aussi caractéristique, à chercher à retrouver sa folle jeunesse, il tombe peut-être un peu trop dans les travers de l’auto-parodie à défaut de parvenir à être aussi convaincant que la sainte trinité familiale. Mais vu l’accueil qui avait été réservé à Gary Cherone en 1998, on comprend que Van Halen ait, cette fois-ci, joué la carte de la sûreté autant avec son chanteur que sa musique.
Au final, Van Halen offre un album réconfortant autant pour lui-même que pour ses admirateurs. Sur le principe, le fait qu’une grande partie des titres recyclent de vieilles démos qui avaient été – probablement à raison – jugées trop faibles il y a trente ans peut décevoir et inquiéter quant à la santé créative du groupe. Mais certains rétorqueront – là aussi probablement à raison – que des titres jugés faibles à la fin des années 70 – pour beaucoup à son sommet créatif – valent mieux qu’un Van Halen III ou un Balance. A cet égard, et par bien des aspects, A Different Kind Of Truth est un album dont le but semble avant tout être de préserver l’héritage du groupe.
En revanche, Van Halen ne fait que retarder – ou contourner – l’échéance, car il va bien falloir, la prochaine fois, montrer ce qu’il a maintenant dans le ventre lorsqu’il sera confronté à la feuille blanche. Si tant est qu’il y ait une prochaine fois. Chez les vétérans, la mode étant de vouloir terminer sa carrière discographique sur un album « classique », il ne serait pas étonnant que, à l’avenir, Van Halen continue de refuser de prendre un quelconque risque, sachant que réaliser un album en partant de zéro constitue un risque en soi…
15 ans depuis le « VH III » (merci qu passage à Spaceman de préciser que ce dernier vaut bien mieux que toutes les critiques pourries l’ayant descendu voulaient bien le faire croire) et ils sont pas foutus de composer ne serait-ce que 3 nouveaux titres, pathétique de chez pathétique.
Bonne chronique.
A la première écoute de l’album, je m’attendais à une vraie daube vu toutes les rumeurs sur les Van Halen et surtout ce que disait Sammy Hagar…
En réalité je préfère largement cet album de VH que le dernier Chicken Foot carrément surestimé…
Et pourtant je suis un fan de Joe Satriani…allez Joe fais un album solo. 🙂
je ne suis plus un fan de metal je suis un geek by by les plouc