La constance de Vanden Plas peut être louée à bien des niveaux. Sur le plan des sorties d’abord, le groupe allemand de metal progressif tient un rythme raisonnable à raison d’un album tout les quatre ans depuis 2002. Sur le format ensuite, les Allemands en dignes musiciens du genre, semblent toujours aussi attachés à l’album-concept. Christ O s’inspirait de la volumineuse fresque du Comte de Monte-Cristo écrite par Alexandre Dumas, The Seraphic Clockwork plongeait dans la science-fiction des voyages dans le temps. Mais ce goût pour les grands décors dépasse la seule conception de chaque album. La relation de Vanden Plas à la scène de théâtre et aux comédies musicales s’est nourrie au fil des années de la participation des musiciens, et en particulier du chanteur Andy Kuntz, à de multiples projets.
Mais sur ce point, le nouvel album de Vanden Plas innove sans doute par rapport au reste de la discographie, ne serait-ce que par l’ambition du projet entrepris. Wolfgang Hohlbein, auteur de romans de fantasy à succès, a initié une collaboration artistique avec le groupe pour mettre en scène et interpréter l’une de ces histoires. Naît ainsi le rock opéra « Bloodnight », directement inspiré d’un des romans de Hohlbein intitulé « Chroniques des Immortels » (une sorte de dark fantasy allemande avec des vampires). L’album Chronicles Of The Immortals – The Netherworld est la continuité de ce projet : une adaptation studio des morceaux composés pour la scène retraçant la première moitié de l’histoire (un second album est prévu pour 2015).
A écouter l’introduction « Vision 1ne », l’auditeur est prévenu que la fable qu’il s’apprête à entendre sera épique : un ténébreux narrateur annonce la guerre entre les forces du bien et celles de l’ombre. Chronicles Of The Immortals se présente d’emblée comme une entreprise ample et ambitieuse en termes d’atmosphère et de longueur (car il faut bien remplir deux albums quand le premier opus part déjà sur une base de 55 minutes).
Alors l’inspiration musicale a-t-elle suivi l’élan conceptuel qui a manifestement animé le groupe sur leur nouvelle production ? La première constatation est presque une évidence anticipée pour les habitués de Vanden Plas : musicalement, le groupe reste fidèle à lui-même en offrant un metal progressif très mélodique, aux riffs plutôt heavy, aux refrains accessibles et dont l’empreinte vocale demeure indéniablement reconnaissable avec Andy Kuntz derrière le micro. Chronicles Of The Immortals démarre de manière très énergique avec le thème de « The Black Knight » adouci ensuite par un refrain plus posé, puis avec « Godmaker » logiquement annoncé – avec sa mélodie ni trop agressive, ni trop calme et relativement accrocheuse – comme premier single et clip du groupe.
Vétérans de la scène metal progressive depuis la fin des années 80, la mécanique bien huilée de Vanden Plas se retrouve sur des morceaux tels que « The King And The Children of Lost World » ou « New Vampyre », à savoir un savant équilibre entre virtuosité technique et accessibilité mélodique. Le chant de Kuntz sonne peut-être de manière plus uniforme, privilégiant des refrains aux notes longues qui avec la répétition tendent à se ressembler. Quelques nouveautés pourtant sont là sur le plan vocal : quelques chœurs, lointains échos à la version théâtrale, qui prennent toute leur ampleur dramatique sur le final de « A Ghosts Requiem », et la participation d’une chanteuse sur les morceaux plus intimistes de l’album (« Misery Affection Prelude », « A Ghost Requiem » et « Misery Affection »).
Avec ce Chronicles Of The Immortals Part. 1, Vanden Plas a entamé un parcours de longue haleine. Sur ce premier volet, le groupe démarre énergiquement avant de se calmer très vite sur « Misery Affection Prelude ». Avec plusieurs titres à base de duo piano/voix et de mélodies pop (« New Vampyre » en tête de liste, même si dans certaines sections il ne manque pas de grosses guitares), l’album stagne dans des eaux plutôt calmes avant de se reprendre sur son final. Contrairement à ce que pouvaient laisser présager ses premiers morceaux, le caractère potentiellement épique de Chronicles Of The Immortals – The Netherworld laisse plutôt place à des émotions mélancoliques et sombres, avec une agressivité nettement en retrait. Le groupe dévoile des idées conceptuelles toujours plus ambitieuses qui pourraient appeler des œuvres particulièrement poussées, mais au bout du compte s’efforce de conserver une homogénéité musicale, faisant rentrer le tout dans un format qui risque peu de dépayser son public.
Album Chronicles of the Immortals – The Neverworld, sortie le 21 février 2014 chez Frontiers Records