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Chronique   

Avatar – Don’t Go In The Forest


The clown is back in town. Alors que Samhain – Halloween pour les non-initiés – révèlera un mince voile entre le royaume des vivants et celui des morts en ce 31 octobre, Avatar – par psychologie inversée – invite ses freaks à s’aventurer dans des bois obscurs et inquiétants. Pour son dixième album, le groupe frappe fort, avec un artwork déroutant et un titre qui sonne comme une mise en garde pleine de sous-entendus. L’album s’ouvre d’ailleurs sur « Tonight We Must Be Warriors », un appel aux armes gentillet et mélodieux, où petite flûte, chœurs et roulements de tambour instaurent un rythme martial, forçant à marcher au pas dans cette expédition musicale. Contraste immédiat avec « In The Airwaves » qui vient percer les tympans à coups de riffs gras et batterie slipknotienne. Une composition, en dépit d’un refrain pop, parmi les plus virulentes du groupe, taillée pour le headbanging et le live. « Captain Goat » déploie ensuite un mélange singulier de thème marin, refrain malin et atmosphère folk-viking, démontrant le goût du groupe pour le second degré et la théâtralité facile d’accès.

Si des titres tels que l’éponyme misent sur une accroche quasi addictive, le disque ne se limite pas à des tubes faciles et homogènes. Présenté comme le plus sombre et sérieux depuis longtemps, il aborde des thèmes puissants : accepter l’obscurité pour vivre pleinement et se battre dans la douleur commune pour trouver l’unité. L’heure est à l’éclectisme aussi bien émotionnel que social. Ainsi, la ballade gothique « Howling At The Waves » côtoie le groove funky et la distorsion de « Death And Glitz », tandis que « Dead And Gone And Back Again » prouve qu’accessibilité peut rimer avec puissance, même si l’enchainement global paraît parfois complexe à saisir. Avec un sens aigu du spectacle, Avatar signe sans doute ici son album le plus progressif à ce jour, combinant hymnes immédiats, virages inattendus et un scénario sonore riche. Voilà une forêt dans laquelle on s’aventure sans savoir ce qu’on y trouvera… mais dont on ressort changé.

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The Depth Beneath Us – Descent


Les Pennsylvaniens de The Depth Beneath Us, après une entrée en matière remarquée via leur album éponyme, ont savamment préparé leur retour. La pochette maritime rappelle la potomanie du post-rock, mais le concept est un peu plus sioux : Descent étudie le conflit sous toutes ses formes : sociétal, interpersonnel, romantique… Pour ne pas sombrer dans la morosité, l’album met en lumière les solutions correspondantes : se divertir, voyager, entrer en une profonde méditation… Si les musiciens du groupe restent reconnaissables, il y a en Descent un état d’esprit nouveau, et chacun semble avoir avalé un lion de mer. Les trois guitares ne sont pas un luxe, mais le fer de lance d’une approche quasi symphonique. Ne se contentant pas de leads entraînants, elles libèrent de grands espaces ou nous entortillent dans des rythmiques plus fourbes (« Descent » et son « Tool lumineux »). Revendiquant des structures post-metal et injectant un peu de folie progressive old-school, l’album est un concentré d’aventure et d’euphorie, qui s’accorde quelques notes d’effroi en fin de « Jealousy Professor ».

La classe d’« Intermission » (sur l’album précédent) est mêlée à une énergie aux multiples saveurs – le tout sans prétention aucune, juste avec du fun et de l’envie. Descent sait laisser respirer tout en barrant la route à l’ennui. La réverbération duveteuse s’y marie à des coups de griffes plus directs ; « Emprise » aurait pu être affublé de stridulations power metal sans que cela surprenne. Les pistes sont grassouillettes sans s’éterniser : « Apollonian » raconte une histoire bien fournie en « seulement » six minutes et demie. Sur « 117B », le batteur démontre la prépondérance de son rôle, introduisant un solo de guitare langoureux, tandis que « Closure » nous adresse un au revoir néofolk avec juste ce qu’il faut de précautions pour éviter le hors-sujet. Descent est gorgé de notes d’espoir, même si les accalmies tendent fatalement à être temporaires. Cette musique, en tout cas, restera un moment en qui daignera l’accueillir.

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Soulfly – Chama


Engoncé depuis quelques années dans une surproductivité étonnante, Max Cavalera brouille à tel point les frontières entre ses projets musicaux qu’il en devient presque difficile de les différencier. Soulfly se retrouve de fait coincé entre les agendas de Cavalera (ex-Cavalera Conspiracy), Go Ahead And Die et la résurrection de Nailbomb. En résulte Chama, un recueil de dix morceaux efficaces à défaut de véritablement raviver la flamme Soulfly.

Faute de pouvoir exploiter le nom Sepultura, Igor et Max Cavalera ont dernièrement consacré leur énergie aux réenregistrements de leurs premiers faits d’armes. Une démarche relativement vaine qui semble avoir reconnecté le frontman avec le son primitif et agressif de ses débuts. Chama opère donc, en partie, un bond de quarante ans dans le temps et articule son concept autour du voyage spirituel d’un enfant issu des favelas auprès des Indiens de l’Amazonie. Si Totem avait pu profiter de l’apport du producteur Arthur Rizk pour réinjecter un peu de subtilité dans l’écriture du groupe, Chama gomme plus franchement influences world et mélodies pour exacerber la brutalité et les vociférations barbares. Cavalera semble ici désireux de retrouver encore plus pleinement l’essence death / thrash et les vibrations crasseuses de la fin de l’adolescence. Les riffs sont tranchants, tantôt effrénés, tantôt massifs, et occupent presque tout l’espace, quitte à reléguer au second plan les excellentes envolées leads de l’album précédent. Quelques réminiscences néo (« Storm The Gates », « No Pain = No Power »), des ambiances travaillées (« Indigenous Inquisition », « Soulfly XIII », « Chama ») et des flots de percussions ancestrales percent occasionnellement ce magma furieux, mais les contrastes restent moins marqués que par le passé. Le batteur Zyon Cavalera s’accorde aux envies expéditives de son père en adoptant une production étonnamment rêche. L’approche brute est appréciable, bien qu’il manque au disque une certaine forme d’insouciance. Chama n’est pas un mauvais album et se parcourt même sans difficulté, d’autant plus que le timing total est ultra-serré. La radicalité de son atmosphère, qui flirte parfois avec la noise, en emportera certains, tandis que d’autres le trouveront juste quelconque.

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Monkeys On Mars – Monkeys On Mars


Le bien nommé projet Monkeys On Mars rassemble, sans omettre le moindre membre, les effectifs de Mars Red Sky et Monkey3. Ces musiciens se défendent vigoureusement d’avoir proposé un split : cet EP de salutation est une œuvre synchrone, sans bordures ou partage des pistes. Spontanément, on craint de se retrouver simplement face à un disque qui sonnerait comme si quelqu’un avait soudainement décidé de poser une voix sur du Monkey3 ; heureusement, tant s’en faut. D’ailleurs, seule « Seasonal Pyres » s’accommode du chant de Julien Pras (Mars Red Sky), peut-être plus affinée encore que d’ordinaire. Ce recul transparaît globalement dans l’EP, pas surchargé malgré le nombre de membres et la double section rythmique, et les compositions restent cadrées. On essaye certes instinctivement de trouver « quoi vient de qui », mais cette sortie gagne à être abordée avec un esprit neuf.

Le space rock demande en permanence une certaine adresse, tant ses sonorités elles-mêmes peuvent friser le poncif. L’atmosphère est ici saisissante, notamment en section centrale de « Seasonal Pyres », avant une bonne grosse finition plutôt fun et davantage « terrestre ». Le fait que les claviers – aux sonorités ponctuellement exotiques – soient parfois lointains ne signifie pas pour autant qu’ils sont incapables de participer à proprement parler, voire de mener cette danse collaborative. Avec sa façon de mettre tranquillement en place son décor de polar, « Hear The Call » attend par instants un peu trop pour entamer les scènes d’action, mais la récompense est plus qu’honorable. Il n’aurait pas été choquant d’entendre, sur ce titre instrumental, des cris post-metal. Mars Red Sky vient consolider les capacités narratives de Monkey3, permettant notamment d’entreprendre avec style un sublime dialogue en guise de conclusion. Après ces vingt-quatre minutes, on en redemande – mais surtout, on devine que tout n’a pas encore été dit entre ces lurons dont les orbites étaient prédestinées à se croiser. Gageons que ce coup d’essai ne sera que le début de cette aventure galactique.

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Evoken – Mendacium


Depuis une trentaine d’années déjà, les Américains d’Evoken distillent un doom sombre, lent, et teinté de death, bref – funèbre. Mais toute monumentale qu’elle soit, leur musique n’est pas monolithique pour autant : Evoken utilise tous les moyens à sa disposition pour créer une atmosphère à la fois spacieuse et étouffante. De quoi en faire l’une des valeurs sûres du style, chacun de ses albums revisitant ses fondations et en explorant une nouvelle nuance. Sur le rêveur Hypnagogia, sorti en 2018, Evoken était à son plus mélodique, ne délaissant pas les percées de lumière. Sur son successeur qui se sera fait un peu attendre, Mendacium, le groupe se montre au contraire fidèle à ses racines, majestueux, classique à sa façon, et résolument ténébreux.

Car si à sa façon, Mendacium est lui aussi du côté de l’entre-deux et de l’illusion – « mendacium » signifie mensonge –, cette fois-ci, le groupe lorgne plus franchement du côté du cauchemar, qu’il prenne la forme de riffing dense et écrasant (« Lauds ») et de growl menaçant, ou d’intermèdes d’arpèges vaporeux (« Prime ») et de clavier inquiétant (« Vesper »). Il y a quelque chose des premières sorties du groupe, mais aussi de My Dying Bride ou Type O Negative, bref, des années 1990 dans ces longues chansons où la clarté de la production crée des espaces aux dimensions démesurées – difficile de ne pas recourir à la métaphore des cathédrales gothiques –, pleins d’échos qui désorientent, pleins de vide aussi. De quoi se plonger dans les pensées peuplées de démons, voire de l’absence de Dieu, du moine tourmenté dont le disque raconte les atermoiements au fil des prières qui rythment la journée et qui donnent aux morceaux leur titre. C’est peut-être ce thème qui, en plus du son death/doom, rappelle Blood Vaults de The Ruins Of Beverast, dont ce Mendacium semble être un cousin éloigné. Riche, traditionnel dans le bon sens du terme et maîtrisé, très atmosphérique, Mendacium a de quoi faire les délices non seulement des fans du genre, mais aussi de tous les auditeurs à la recherche d’un caveau sombre et gothique où passer l’hiver…

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Wings Of Steel – Winds Of Time


Dans un monde saturé de productions estampillées « -core », certains irréductibles s’attachent encore à raviver la flamme du heavy metal originel. C’est précisément ce que propose Wings Of Steel, groupe formé en 2019 par le chanteur suédois Leo Unnermark et le guitariste Parker Halub. Remarqués avec leur EP éponyme puis Gates Of Twilight en 2023, ils reviennent déjà avec Winds Of Time, un disque autoproduit. Pas de compromis : deux amis rencontrés à l’école de musique vivant ici leur rêve d’enfant, avec un heavy racé, puissant, qui conjugue tradition (beaucoup) et modernité (un peu).

Dès le morceau-titre, le ton est donné : plus de dix minutes progressives à la Queensrÿche des toutes premières années, entre agressivité et mélodie, portées par un solo vibrant de Parker et par la voix haut perchée de Leo (qui rappelle celle de Vagelis Maranis de Sanvoisen, pour ceux qui se souviennent). Un choix risqué, à contre-courant des formats actuels, mais assumé et réussi. La suite prend le contrepied avec « Saints And Sinners », brûlot de moins de trois minutes à la manière d’un Judas Priest survitaminé, où chant aigu et refrain hymnique s’allient parfaitement. « Crying » et « Lights Go Out » ralentissent le tempo et révèlent une facette plus sensible, rappelant les power ballads au parfum MTV des grandes heures. Bien que Leo démontre des capacités indéniables, son chant manque parfois de variations, atténuant légèrement l’effet recherché, même si l’instrumentation le met constamment en valeur. « We Rise » ramène une dimension arena rock. Taillé pour être scandé poing levé, il ne laisse pas le temps d’acclimatation à la conclusion « Flight Of The Eagle » : cette pièce aux guitares plaintives et au chant chargé d’émotion termine l’album sur une note mélancolique et grandiose, comme une ouverture vers l’avenir après cette dissertation en huit parties. Avec Winds Of Time, Wings Of Steel livre une œuvre ambitieuse et sincère. Aux antipodes des tendances, le trio choisit l’indépendance et l’allégeance aux canons du passé, avec une certaine exigence. Le résultat n’est pas, pour autant, un simple exercice nostalgique : c’est une véritable déclaration d’intention. Le heavy metal a encore de beaux jours devant lui.

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Sabaton – Legends


Legends. Un titre prometteur, presque programmatique pour Sabaton. De retour avec Thobbe Englund à la guitare, les Suédois élargissent cette fois leur champ de bataille aux personnages du passé devenus légendes – des templiers à Gengis Khan, en passant par Napoléon. Particularité de ce neuvième album, tous les membres ont pris part à l’écriture, même si Pär Sundström et Joakim Brodén en demeurent les maîtres d’œuvre.

Dès « Templars », on est en terrain conquis : un « hit » au rythme appuyé, calibré pour le live. Percutant mais attendu : l’empreinte Sabaton est tellement marquée qu’il est doublement difficile de se renouveler. « Hordes Of Khan » relève la cadence et permet à Brodén de jouer davantage avec sa voix, soutenu par des chœurs virils, des guitares épiques ainsi qu’un Hannes Van Dahl imposant derrière sa batterie. Plus loin, « Crossing The Rubicon », « Lighting At The Gates » et « I, Emperor » soulignent la grandiloquence des récits contés, les fameux « R » roulés du chanteur renforçant le trait. Le groupe continue de conter l’Histoire en musique façon blockbuster : spectaculaire, pédagogique, parfois un brin naïf. « Maid Of Steel » flirte avec le power-speed metal tandis que « Impaler », plus sombre, introduit une atmosphère menaçante : un contraste bienvenu dans un ensemble (trop ?) uniforme. « Apprenez l’Histoire en vous amusant » semble toujours être la devise, au risque de lasser ceux qui espéraient poursuivre l’évolution après le duo discographique sur la première guerre mondiale. La formule a beau fonctionner, l’épopée tend à tourner en rond. « Till Seger », entièrement chantée en suédois, conclut le disque avec une atmosphère celtique légère et joviale, pour – enfin – un peu de fraîcheur. Avec une thématique aussi vaste, autant historiquement que géographiquement, Legends avait toutes les cartes en main pour faire voyager, en Egypte, à Rome, au Japon, etc. Au lieu de cela, Sabaton se contente de faire du surplace. Dommage. Reste qu’il séduira les fidèles, amateurs d’hymnes et de chœurs aussi héroïques que pompeux. Un chapitre efficace, mais pas vraiment légendaire, inscrit dans une longue saga.

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Battle Beast – Steelbound


Trois ans, ce n’est pas énorme selon les standards actuels pour délivrer un nouveau disque. Sauf pour les fans de Battle Beast qui ont été séduits par un Circus Of Doom que certains considéreront comme un sans-faute dans son genre. L’attente était donc teintée d’exigence. Avec Steelbound, l’auditeur embarque pour un voyage entre riffs traditionnels (« The Burning Within ») et un power metal survitaminé, presque agressif (« Last Goodbye »), dans la lignée de ce que les Finnois ont l’habitude d’offrir. De ce point de vue-là, pas de surprise. Pas plus que les teintes ancrées dans l’univers théâtral du groupe, parsemées tout au long du disque. Les solos de guitare sont tranchants, toujours au service de l’efficacité, tandis que la voix de Noora Louhimo reste une arme redoutable pour percer l’esprit et s’y installer. Entre rugissements guerriers et envolées lyriques, elle incarne plus que jamais la force fédératrice du sextuor.

A mi-parcours, l’interlude « The Long Road » fait monter la tension pour propulser « Blood Of Heroes ». Un titre épique et héroïque qui rappellera à quel point le groupe porte bien son patronyme : une véritable bête de guerre. Une bête qui n’a pas froid aux yeux, comme le démontre un « Twilight Cabaret » qui donne dans la flamboyance d’une salsa metal endiablée – timbales à l’appui ! « Angel Of Midnight », pour sa part, flirte avec les accents pop que l’album de 2022 avait déjà su appuyer, tout comme « Speedbound » et sa rythmique martelée, comme si Sabaton s’était pris de passion pour les dancefloors disco. Quant à « Riders Of The Storm », qui mêle fond électro et chant de taverne, elle a tout pour devenir un hymne taillé sur mesure pour être repris en chœur lors des concerts. Oui, Battle Beast ose les gros sabots et est sans vergogne. « Subtilité » ne fait pas partie de son lexique. « Kitsch », Steelbound l’est certainement, mais aussi sacrément énergique et accrocheur. N’est-ce pas là l’essentiel ?

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Cathedral – Society’s Pact With Satan


Quoi de mieux que le mois d’Halloween pour un quasi-retour inespéré de Cathedral ? Quasi seulement car le groupe ne se reforme pas : c’est en effet à l’état – particulièrement de circonstances – de mort-vivant qu’il sort Society’s Pact With Satan. Cet EP-zombie revient en effet du fond des limbes. Dernier enregistrement du groupe à la fin des sessions de The Last Spire en 2013, il avait disparu dans les archives du producteur Jaime Gomez Arellano, oublié de tous. Redécouvert récemment par hasard, il a été mixé et offert au public à quelques jours à peine des trente ans du classique The Carnival Bizarre, cerise empoisonnée sur le gâteau roboratif de la discographie de ces monuments du doom.

Car Society’s Pact With Satan n’a rien de la chute de studio : c’est un morceau aux proportions dignes de Reverend Bizarre qui synthétise en trente minutes ce qui a fait l’essence de Cathedral. Les musiciens se font plaisir au fur et à mesure des développements presque narratifs de cette chanson XXL : riffs imparables et inquiétants en fil rouge, voix fantomatiques, touches de claviers, longs passages atmosphériques dignes de films de la Hammer, mais aussi intermède acoustique enchanteur ou accélérations brutales qui donnent une impression de chansons dans la chanson, le tout ponctué des imprécations amères du mage Lee Dorrian, qui fustige le monde actuel et les pouvoirs en place sans faiblir pendant toute la durée du morceau. Toute chaleureuse qu’elle soit, la production ne manque pas de mordant non plus en faisant la part belle aux guitares qui, comme toujours avec Cathedral, portent un édifice dont les fondations – basse et batterie – ne sont jamais prises en défaut. Polymorphe voire monstrueux, jubilatoire, Society’s Pact With Satan a quelque chose du bouquet final. On n’ose pas en espérer plus de la part des Britanniques, qui insistent sur le fait que le projet est bel et bien mort et enterré, mais semblent prêts à déballer leurs archives sur leur Bandcamp flambant neuf. À défaut d’un futur radieux, on aurait tort de se refuser un tel voyage dans le temps.

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Perturbator – The Age Of Aquarius


Depuis plus d’une décennie, James Kent érige ses synthétiseurs en armes d’alerte. Les claviers, autrefois porteurs d’une certaine nostalgie, glissent vers une musique sombre, métallique, viscérale. Fini les dystopies fantasmées à la Blade Runner, ici, c’est le réel qui s’impose. Guerres, dérives politiques, chaos sociétaux… Perturbator puise désormais sa matière dans le monde brut. Il applique un traitement clinique. Sans message ni morale, juste un miroir. Froid. Brutal.

Ce reflet s’incarne dans une œuvre cyclique, aux structures étirées, où les motifs hypnotiques écrasent lentement l’auditeur. Les nappes électroniques ne séduisent pas, elles questionnent, elles oppressent. Le monde tourne en boucle, la musique aussi. Et au cœur de ce tumulte, trois titres s’imposent. « The Art Of War », martial et suffocant, trouve dans le chaos une forme de jouissance. Son clip, animé en porcelaine brisée, matérialise l’absurde et la futilité de la guerre moderne. « Apocalypse Now », porté par la voix de Kristoffer Rygg (Ulver), ouvre une faille mélancolique dans le béton sonore. Un chant hanté, presque liturgique, pensé d’abord comme une évocation de la guerre froide, élargi à l’idée de conflit universel. Mais c’est « The Age Of Aquarius », morceau-titre avec Alcest, qui atteint des sommets. Composé comme un mantra, ce crescendo lent libère un climax lumineux… sans certitude. Le doute persiste. L’optimisme y est fragile, presque illusoire. Ces trois morceaux suffisent à justifier l’écoute. Le reste du disque, plus abstrait, joue le rôle de tension continue. Pas de respiration. Juste une dramaturgie sonore étouffante, où l’utopie reste hors de portée. Et c’est là tout le paradoxe. Car l’« Ère du Verseau », dans l’imaginaire collectif, évoque au contraire un monde régénéré. Une période de fraternité, d’émancipation, de paix retrouvée. James Kent en détourne le sens, comme pour mieux en souligner l’impossibilité. The Age Of Aquarius n’offre aucune échappatoire. Il enferme. Et c’est bien pour ça qu’il marque.

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  • Arch Enemy + Eluveitie + Amorphis @ Paris
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