Vignt-sept ans au compteur et toujours bon pied, bon œil ! En effet, pour sa vingt-septième édition, le festival Pause Guitare Sud De France d’Albi dans le Tarn (81) a décidé de frapper fort en proposant une affiche des plus éclectiques où s’entremêlent des groupes comme Queens Of The Stone Age, Indochine, Billy F. Gibbons (ZZ Top), Cali, Shaka Ponk, Ange, Lomepal et même Michel Polnareff ! Autant dire que l’équipe de l’association Arpèges & Trémolos a les idées larges et voit les choses en grand ! Qui plus est, Pause Guitare propose comme à son habitude un festival off dans différentes salles de concert de la ville afin de mêler astucieusement têtes d’affiche et artistes en développement. C’est donc au travers de pas moins de six scènes et quatre-vingt-dix concerts sur quatre jours que sont attendus environ dix-sept mille festivaliers chaque soir.
En ce premier soir des festivités, l’organisation a tenu à mettre les petits plats dans les grands au travers d’une programmation résolument tournée vers le rock. En effet, ce mercredi 5 juillet marque le début des hostilités sur la grande scène de la Base Nautique de Pratgraussals au travers de quatre concerts qui vont faire du bruit. Ainsi, ce sont les indéboulonnables Français d’Ange qui auront la lourde charge de lancer les hostilités avant de faire place nette pour Billy F. Gibbons, venu s’encanailler en solo loin de ZZ Top avec le guitariste Austin Hanks et John Douglas, le batteur d’Aerosmith. Un peu plus tard dans la soirée, les Américains de Queens Of The Stone Age viendront aussi fouler les planches de Pratgraussals après avoir récemment mis le feu aux Nuits De Fourvière quelques jours auparavant. Enfin, les Français de Shaka Ponk ont prévu de clore la soirée avec un show à sa (dé)mesure !
Autant dire que le public a répondu présent et que la base nautique où se tient le festival depuis plus de dix ans a été vite prise d’assaut dès la fin de l’après-midi ! Voici ci-dessous, un petit retour sur les prestations scéniques du premier soir de Pause Guitare Sud de France.
Evénement : Pause Guitare Sud de France
Dates : 05-09 juillet 2023
Salle : Base Nautique de Pratgraussals
Ville : Albi [81]
Ange
Cinquante-quatre ans. Ça fait plus de cinquante ans que les briscards d’Ange continuent inlassablement de traîner leurs guêtres sur toutes les scènes de France et de Navarre et plus de cinquante ans que son leader, le chanteur Christian Décamps, tient bon la barre contre vents et marées. Seul rescapé du line up originel, l’homme a toujours mené son groupe au gré de ses inspirations musicales et de ses rencontres avec toujours la même vision, celle d’un rock progressif aux multiples facettes. Aujourd’hui, le concert d’Ange dans le cadre de ce premier jour du festival Pause Guitare a une saveur particulière. En effet, le sieur Décamps a annoncé récemment qu’il allait arrêter la scène le 31 janvier 2025 après toutes ces décennies de bons et loyaux services (mais il restera quand même un membre actif au sein du groupe). En ce mercredi soir, c’est donc pas moins de douze mille festivaliers qui se sont déplacés sur la Base Nautique de Pratgraussals et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça se bouscule au niveau des barrières pour assister à l’une des dernières prestations de Christian Décamps avec Ange dans les terres du Sud-Ouest…
Dès l’opener « Le Chien, La Poubelle Et La Rose » aux accents de rock progressif marqué et construit sur des structures à tiroirs comme Ange les affectionne, le groupe taille dans le lard et n’a pas de mal à focaliser toutes les attentions. Il faut dire que le son est bon et que le capitaine Christian Décamps en impose pas mal ! À partir de là, la formation déroule son set en piochant ici et là dans son immense carrière à l’instar de « Le Soir Du Diable » (1972), « Fou » (1985) ou « Le Rêve Est À Rêver » (2000). Et même si l’approche n’est pas toujours évidente pour le quidam non initié à la musique d’Ange, force est de constater que Christian et sa bande n’ont pas de mal à transporter les festivaliers au gré de nombreuses ambiances. Une invitation au voyage ? Oui, plutôt…
Qui plus est, Ange délivre en fin de set un « Capitaine Cœur De Miel » de pas loin de vingt minutes, au travers duquel Christian Décamps apparaît comme véritablement habité par la chanson après un long pont instrumental. Autant dire que le public est… aux anges ! Quel grand moment ! Petite cerise sur le gâteau, le groupe termine son set sur une reprise de « Ces Gens-Là » de Jacques Brel qui fait toujours mouche…
En définitive, malgré un temps de jeu assez court (une petite heure seulement), Ange a réussi à faire un étalage de son immense savoir-faire en proposant un set de sept morceaux très intéressants. Malgré la fatigue et le poids des années, Christian Décamps a su se rappeler à notre bon souvenir avec pas mal de panache. Vivement début 2024 pour qu’Ange (re)vienne poser ses amplis dans le Sud-Ouest afin que les adieux à la scène de l’ami Christian puissent se faire dans un contexte plus intimiste.
Setlist :
Le Chien, La Poubelle Et La Rose
Aujourd’hui C’est la Fête Chez l’Apprenti-Sorcier
Le Rêve Est À Rêver
Le Soir Du Diable
Fou !
Capitaine Cœur De Miel
Ces Gens-là
Billy F. Gibbons
20h30. C’est à cette heure-ci que ce vieux briscard de Billy F. Gibbons monte sur les planches de Pause Guitare sous les acclamations d’un public déjà tout acquis à sa cause. Il faut dire que le guitariste jouit d’une excellente réputation ici-bas depuis le passage de ZZ Top, il y a quelques années à Pause Guitare, dans le cadre de l’édition de 2017. De plus, l’homme s’est aussi fait remarquer à déambuler dans les rues de la ville pour visiter son centre historique et la cathédrale. Les premiers rangs ont d’ailleurs remarqué l’écusson de la ville d’Albi qu’il arbore fièrement sur sa veste.
En pleine tournée européenne depuis le 10 juin, accompagné du guitariste Austin Hanks, Billy F. Gibbons profite de ces dates pour proposer des morceaux issus de ses albums en solo (dont le dernier en date, Hardware) ainsi que des titres classiques de l’ère ZZ Top. Autant dire que l’ami Billy se fait plaisir à jouer, et ce même si le batteur Matt Sorum (ex-Guns n’ Roses) a dû quitter la tournée pour des raisons personnelles. De fait, ce soir à Pause Guitare, c’est John Douglas, l’actuel batteur live d’Aerosmith – et remplaçant de Joey Kramer – qui officie derrière les fûts.
D’entrée de jeu, BFG attaque sur les chapeaux de roues avec un « Got Me Under Pressure » des familles qui fait réagir le public au quart de tour. Le son est tout bonnement excellent et l’ensemble fait vite mouche parmi les festivaliers qui se bougent pas mal dans le pit. Or, on remarque que les lignes de basse sont parfaitement mises en avant alors même qu’il n’y a aucun bassiste sur scène en retrait du trio. Ainsi, selon le sieur Gibbons au travers d’une récente interview, le son de la basse serait générée par des micros sur les guitare… mais il semblerait que le groupe ait choisi d’utiliser ce soir un backing track pour la quatre-cordes afin de donner du relief à l’ensemble, ce qui n’est pas choquant en soi. Mais là où le bât blesse, c’est qu’on s’aperçoit vite dès le morceau « More-More-More » que notre barbu préféré ne chante pas ! En effet, l’homme remue les lèvres de manière très aléatoire en collant sa bouche très près du micro afin de masquer la supercherie sur certains titres, comme « Rollin’ And Tumblin’ ». Et c’est assez dommage, car même si l’homme n’est plus tout jeune et qu’on se doute bien que sa voix n’est plus celle d’antan, on aurait préféré avoir une prestation cent pour cent live, même imparfaite ! Qui plus est avec une telle setlist.
En effet, le trio a sorti l’artillerie lourde avec de nombreux titres qui tapent là où ça fait mal comme « The Devil Is Red » ou « West Coast Junkie » ainsi que la reprise de Hambone Willie Newbern, « Rollin’ And Tumblin’ ». De plus pas mal de hits de ZZ Top sont mis à l’honneur ce soir à l’instar de « Tube Snake Boogie », « Sharp Dressed Man », « Beer Drinkers & Hell Raisers » ou « Gimme All Your Lovin’ », mais on a l’impression de parfois écouter un CD tellement la voix est parfaite (on peut même entendre dans les refrains le timbre si particulier de feu Dusty Hill sur « Gimme All Your Lovin’ »…). Difficile à partir de là de ne pas se demander si Billy Gibbons joue réellement ou non de la guitare ce soir… A priori, oui. Pourtant, les festivaliers prennent plaisir à réentendre tous les classiques dont l’excellent « La Grange » qui remportera tous les suffrages. Après une petite heure de concert, BFG quittera la scène sous de copieux applaudissements… avec la satisfaction du devoir accompli ?
Au final, la prestation de Billy F. Gibbons sur cette vingt-septième édition de Pause Guitare s’est avérée plutôt déconcertante. En effet, on a eu le cœur partagé entre la joie de retrouver ce monument de rock sur scène et la déception de s’apercevoir que l’homme chantait sur certains titres en playback. Une chose est sûre : ce set a relancé les débats au sein du public sur l’utilisation des backing tracks en concert… Voilà un vaste sujet qui n’a pas fini de faire couler de l’encre !
Setlist :
Got Me Under Pressure
More‐More‐More
Rollin’ and Tumblin’
Beer Drinkers & Hell Raisers
The Devil Is Red
Gimme All Your Lovin’
West Coast Junkie
Sharp Dressed Man
Tube Snake Boogie
La Grange
Queens Of The Stone Age
Suite à une prestation très remarquée la veille aux Nuits De Fourvière à Lyon, les Américains de Queens Of The Stone Age étaient attendus de pied ferme par toute une horde de fans, prêts à en découdre. Fort d’un nouvel album sous le bras, In Times New Roman sorti chez Matador Records le 16 juin dernier, le groupe mené par Josh Homme a prévu de lancer sa tournée pour promouvoir son disque dès le mois d’août 2023 aux États-Unis avant de frapper l’Europe en novembre. En attendant, la formation fait pas mal de festivals partout sur le Vieux Continent en ce mois de juillet afin de roder son set et de présenter au public de nouvelles compositions.
Après « Smile », une petite intro musicale de Peggy Lee, Queens Of The Stone Age débarque sur les planches dans une ambiance des plus chaleureuses. Billy F. Gibbons lui-même est d’ores et déjà placé côté jardin de la scène pour assister au concert, son téléphone portable à la main pour immortaliser le moment…
Et pan ! D’entrée de jeu, les Américains frappent un grand coup avec le hit « No One Knows » qui fait bouger tout le public de Pause Guitare comme un seul homme au tempo du morceau. C’est aussi l’occasion de se rendre compte de la grosse frappe du batteur Jon Theodore (ex-The Mars Volta), tout en groove et en puissance. Dès les premières mesures de cet opener, on sent tout de suite que Queens Of The Stone Age a la volonté de tailler dans le lard. En effet, contexte de festival oblige, le groupe n’a qu’un temps de jeu d’une heure et compte bien en profiter au maximum. De fait, l’indéboulonnable Josh Homme est particulièrement en forme et bien en voix ce soir. Le chanteur-guitariste communique pas mal avec le public entre les morceaux (il remerciera notamment Billy Gibbons) mais n’oublie pas d’envoyer du lourd (« The Lost Art Of Keeping A Secret », « My God Is The Sun » ou « The Way You Used To Do »). Derrière lui, la machine QOTSA tourne à plein régime, notamment grâce à une section rythmique basse-batterie en acier trempé. Qui plus est, le quatre-cordiste Michael Shuman occupe bien la scène au côté d’Homme au travers d’une prestation pleine d’aplomb. On sent que les dates passées en festival ont permis au groupe de (re)prendre tous ses automatismes. De fait, le set de QOTSA avance à la manière d’un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage à l’image du très bon « I Sat By The Ocean ».
Du côté des nouvelles compositions issues d’In Times New Roman, les festivaliers de Pause Guitare auront droit à « Carnavoyeur » avec un chant haut perché et « Emotion Sickness » qu’on a déjà pu écouter en tant que singles dans le courant de mai-juin. Et même si c’est assez peu à se mettre sous la dent ce soir, force est de constater que ces titres-là semblent taillés pour le live tant le rendu prend la forme d’un véritable uppercut sonore ! Ainsi, même si l’album n’est pas encore totalement connu par l’ensemble des fans sur place, l’accueil réservé à ces deux nouveaux morceaux est plus que bon. On sent que Josh Homme est heureux d’être là et le public de Pause Guitare le lui rend bien. D’ailleurs, il est à noter que le jeune fils de Josh, Wolf Dillon Reece Homme viendra danser sur scène sur le titre « Make It Wit Chu », à la plus grande joie de l’audience tout émue de voir cette relation père-fils le temps d’une chanson. Quel moment magique… Mais petit à petit, on s’achemine vers la fin du set avec un « Little Sister » des familles qui nous replonge au temps de Lullabies To Paralyze (2005) de bien belle manière. Pour finir, le groupe décide de terminer comme il a commencé : tout en puissance. Ainsi, c’est le costaud « A Song For The Dead » qui va clore ce concert ô combien électrisant et bien mené. Encore une fois, le batteur Jon Theodore est à la manœuvre et fait montre d’un savoir-faire indéniable. Quelle frappe, mes aïeux !
En définitive, en l’espace d’une heure, Queens Of The Stone Age s’est imposé à tous comme l’étendard du rock / stoner actuel. Josh Homme et sa bande peuvent dormir tranquille, ce n’est pas demain la veille que quelqu’un viendra leur damer le pion ! Vivement que le groupe revienne en fin d’année dans le cadre de sa tournée qui s’annonce d’ores et déjà comme un évènement en soi !
Setlist :
No One Knows
The Lost Art of Keeping a Secret
My God Is the Sun
Carnavoyeur
The Way You Used to Do
I Sat by the Ocean
Make It Wit Chu
Emotion Sickness
Little Sister
Go With the Flow
A Song for the Dead
Shaka Ponk
Après plus de vingt ans d’existence et la construction de son propre univers ô combien haut en couleur, Shaka Ponk a annoncé en octobre dernier qu’il s’apprêtait à faire ses adieux au travers d’une ultime tournée et d’un dernier album éponyme. En effet, c’est par un petit film évocateur et un communiqué que le groupe avait annoncé cette décision motivée par un souci de préservation de l’environnement, rattachant ainsi les wagons avec The Freaks, le collectif lancé par Shaka Ponk en 2018 qui regroupe des artistes engagés (Pascal Obispo, -M-, Zazie,…) pour lutter contre la surconsommation, la pollution, le réchauffement climatique afin de protéger la biodiversité.
Autant dire qu’il y avait du monde pour se presser aux barrières pour ce dernier passage de Shaka Ponk à Pause Guitare. Et même si les musiciens signent ici leur troisième passage dans ce festival et font presque figure de locaux de l’étape, l’engouement dans le public est bel et bien là. Qui plus est, la formation a décidé de mettre les petits plats dans les grands en proposant l’habillage de la scène en une gigantesque bibliothèque surdimensionnée dans laquelle trônent des livres, des lampes, des fauteuils ainsi qu’un écran géant…
Dès l’arrivée sur les planches de Shaka Ponk pour investir d’entrée de jeu l’avancée de la scène, les festivaliers réagissent comme un seul homme. Il faut dire que Sam et Frah sont au plus près des spectateurs pour les remercier d’être venus en masse avant d’allumer la mèche avec le terrible « Je M’Avance », issu du dernier album. En l’espace de quelques mesures, le parterre se donne à fond dans le pit et accueille avec joie chaque sollicitation du groupe. On sent que l’osmose entre Shaka Ponk et son public est réelle tant Sam et Frah sont aux avant-postes. Le son est très bon et la scénographie est plutôt impressionnante. À ce titre, le jeu de lumières est bien ficelé et donne énormément de corps au décor de bibliothèque géante. Qui plus est, une bonne dizaine de choristes vêtus dans de longues toges blanches font leur apparition, juchés en hauteur des deux côtés de la scène dès « Wanna Get Free » pour renforcer le côté grandiloquent du titre (ils reviendront aussi sur « Sex Ball » en fin de set). Les festivaliers sont vite happés par l’univers tourbillonnant de Shaka Ponk qui fait le show (l’énervé « Twisted Mind », « Tout Le Monde Danse », « I’m Picky » avec Goz qui chante à l’écran…).
Et même si Sam et Frah focalisent toutes les attentions au travers de leurs nombreux allers-retours sur l’avancée de la scène, on ne peut pas dire que les autres membres soient en reste. Ainsi, tout comme QOTSA lors du set précédent, la section rythmique de Shaka Ponk portée par Ion (batterie) et Mandris (basse) est impressionnante de puissance et de précision. L’ensemble donne énormément de peps au show, si bien qu’il est difficile de ne pas taper du pied et de lever le poing bien haut sur des morceaux comme « J’Aime Pas Les Gens » ou « Tout Le Monde Danse » ! Malheureusement, on s’approche vite de la fin du set, c’est pourquoi Frah décide d’aller directement au milieu de la foule pour chanter avec le public « Smells Like Teen Spirit », la reprise de Nirvana. Autant dire que les festivaliers sont en transe et que l’ambiance est tout simplement excellente dans le pit… et même au-delà ! Après un « Dad’Algorythm » plutôt intéressant en live, le groupe termine sur les chapeaux de roues avec un « Rusty Fonky » de derrière les fagots, histoire de mettre les festivaliers à genoux !
Bref, après une telle déferlante d’énergie, Shaka Ponk a clos avec brio ce premier soir de Pause Guitare, placé sous le signe du rock. Le groupe a encore une fois prouvé qu’il était un incontournable de la scène française et on se dit qu’après son Final F##cked Up Tour prévu en fin d’année, il y aura un gros vide qu’il sera difficile de combler. Une chose est sûre : on sera là pour les adieux définitifs de Shaka Ponk !
Setlist :
Intro 2023
Je M’Avance
Wanna Get Free
Twisted Mind
J’aime Pas Les Gens
Tout Le Monde Danse
I’m Picky
Smells Like Teen Spirit
Sex Ball
Dad’Algorhythm
Rusty Fonky