Je vous avais fait le serment il y a trois mois de ne plus parler des frasques et autres gamineries de Vince Neil. Ainsi je vous ai évité d’apprendre que le glameur s’est ramassé à Skating With The Stars dès la troisième semaine du show, qu’il doit un million de dollars d’impôts impayés au fisc américain et qu’il a été reconnu coupable de conduite en état d’ivresse, ce qui lui coûtera quinze jours au ballon. Avec des infos pareilles, je doute que vous regrettiez de ne l’avoir pas appris plus tôt.
Et puis est venu le jour où on m’a proposé de chroniquer l’autobiographie du chanteur de Mötley et là, je vous avoue que je me suis fendu d’un sourire sadique, à moins que ce fut l’expression anticipée d’un plaisir masochiste que j’étais prêt à m’infliger. De toute manière, c’était une expérience que je ne pouvais laisser m’échapper. Vince Neil n’allait pas m’échapper. Il allait payer.
Puis, une fois passées ces cruelles velléités, je repris mon rôle de chroniqueur rigoureux et, droit comme la Justice, soumettais à mon analyse ce « Tattoos & Tequilas – Descente aux enfers et retour en grâce d’une bête de scène ».
Que nous apprend cet ouvrage ? En premier lieu qu’il existe une certaine équation : un livre peut être considéré comme une autobiographie dès lors qu’il contient au moins deux tiers de témoignages directs du personnage concerné. Faisons un peu d’arithmétiques : sur 420 pages, retirez les 20 premières pages du livre qui ne servent quasiment à rien (la fameuse page blanche – éternel mystère – du début, une première page de titre, une deuxième page de titre (!), avant-propos de la traductrice, table des matières, etc.), virez les 20 pages de photos (inévitables mais n’apportant aucun contenu essentiel), mettez de côté les 116 pages de témoignages divers des proches de Vince Neil (famille et amis) et de personnes ayant travaillé avec lui et je vous laisse quinze secondes pour me dire ce qu’il reste…
Réponse : il n’est besoin que de 264 pages à la tête de proue du Crüe pour raconter ses cinquante années passées. C’est peu ! C’est à se demander s’il était besoin d’user autant de papier pour si peu de souvenirs. La cause avouée de cette faiblesse quantitative est cependant mise en exergue par le co-auteur du livre, Mike Sager : « les années 80 : si on s’en rappelle clairement, c’est qu’on n’y était pas vraiment. » De quoi vous annoncer des pages et des pages de récits d’excès en tous genres mais aussi l’amnésie qui en découle malheureusement.
Mike Sager, justement, parlons-en. Ancien du Washington Post et du magazine Rolling Stone (en particulier aux côtés de Hunter S. Thompson, fer de lance du gonzo journalisme et auteur du célèbre Fear And Loathing In Las Vegas), il est un auteur et journaliste réputé et habitué des versants les moins clinquants du rock. Mais voilà, malgré ce glorieux curriculum vitae, on n’est guère impressionné par la forme donnée aux récits de Neil.
On imagine aisément comment ont dû se dérouler les séances avec son sujet : autour d’une table, dans un bar ou dans le salon de la star, un dictaphone entre eux deux, Sager pose une question (« parlez-moi de votre enfance », « et votre première expérience sexuelle ? », etc.) et Vince déblatère.
Arrivé le moment de l’écriture, Sager met en route l’enregistrement et copie mot pour mot ce qu’il entend. En résulte certaines scènes grotesques comme au moment où Vince nous parle du quartier de son enfance (page 84 ; vous n’aurez qu’à revérifier) et où on peut soudain lire : « Une seconde – je prends mon Iphone, je vais le trouver sur Google Maps. […] Putain, je peux voir la maison ! […] Juste là, c’était mon école primaire… » Super ! Et nous, on peut voir ? Eh bien, non ! Ce n’est qu’un livre qu’on a entre les mains et très souvent, on a l’impression que rien n’a été retravaillé, que nous avons le matériau brut, rendant la lecture souvent laborieuse, autant que d’entendre un mec parler pendant des heures.
Point positif de la méthode Sager tout de même : les témoignages extérieurs. Rappelez-vous notre petit calcul plus haut : si l’écrivain s’était satisfait des souvenirs du héros de cette histoire, à quoi cela aurait ressemblé ? A deux cents soixante quatre pages racontant tout – et uniquement – ce à quoi on peut s’attendre avec un tel personnage : sexe, drogues et rock’n’roll. Et c’est tout ! On peut y ajouter : mariages, divorces, re-mariages, voitures de luxe, villas, le feu des projecteurs mais il n’en résulte qu’une alternance de récits pouvant se résumer à : « à telle époque, j’étais marié à telle femme, je buvais en telle quantité, j’habitais telle baraque, je conduisais telle voiture ou telle autre (de préférence d’une grande marque italienne) et je me suis envoyé telle star du porno, telle strip-teaseuse, telle playmate, telle star de la télévision (rencontrée dans telle émission), parfois toutes en même temps, puis je rentrais dans telle maison où m’attendait gentiment telle femme qui ne se doutait pas que je couchais avec d’autres femmes (mais c’est normal) et j’ai bousillé telle voiture à quatre cents mille dollars et quelques. »
Et ce pendant plus de la moitié du récit (soit environ 132 pages, a priori) ! Alors forcément, quand Sager donne la parole à d’autres témoins de cette vie, des personnes qui se souviennent souvent mieux de la vie de Neil que lui-même (ses parents, ses ex-femmes, ses enfants, ses anciens managers, les musiciens de Rockandi, son premier groupe…), on respire enfin et on trouve même leurs récits plus inspirés que les tableaux très superficiels peints par « l’auteur » de cette autobiographie. L’un des points culminants du livre est d’ailleurs le témoignage de Nikki Sixx (seul membre de Mötley Crüe à avoir accepté de participer aux entretiens avec Mike Sager) qui vient dans les dernières pages rajouter une dose inespérée de lustre dans cette pauvre littérature.
Au bout de notre lecture, nous nous retrouvons donc avec une œuvre à l’architecture branlante construite autour d’un personnage, à la base, haut en couleur mais aux tons rapidement délavés par cet étalage de superficialité. Au départ, nous suivions un jeune gamin fougueux – sans doute trop pour être vraiment sûr de lui – qu’on regarde comme un petit frère à qui on aimerait dire qu’il déconne vraiment trop et qu’on prendrait bien sous notre aile, le temps qu’il comprenne tout ce qu’il risque de perdre à continuer comme ça.
Au final, il nous faut surtout supporter la liste des stupidités commises par un beauf millionnaire aviné incapable d’attirer notre sympathie quand il répand son fumier sur les gars de Mötley Crüe (mais qu’il aime comme ses c*nnards de frères) ou sur d’autres. Un seul instant de rédemption à nos yeux, instant où nous retrouvons ce gosse fragile, au moment de sa pire douleur : la perte de sa fille, Skylar, morte à quatre ans d’un cancer généralisé. Mais reste un businessman aux allures de vieux beau incapable de prendre assez de recul sur les erreurs qu’il a commises et un livre qui pourra toujours servir d’ouvrage de référence à un futur biographe. Mais qui aura envie de lire cette histoire sinon les inconditionnels de Vince Neil ?
Ne pas oublier que Nikki Sixx avait dit dans une interview dans les années 80 que Mötley Crüe c’était uniquement Tommy, Mick, Nikki et Vince et que si l’un disparaissait il arrêtait le groupe !
Normal qu’il crache sur ses partenaires dans Mötley Crüe.
Ce sont les même qui l’ont viré en prenant peur à l’arrivé du grunge et en le descendant dans les interviews de l’époque (1994).
« John Corabi est brun et en plus il joue de la guitare et compose ! »
« John Corabi est notre nouveau meilleur pote, c’est comme un frère ! »
« Plein de groupes connus ont changé de chanteur et ont gardé leur succès ! »
Pendant ce temps Vince Neil sortait un putain de bon album (Xposed)
Mötley Crüe sans Vince Neil c’est impossible.
Comme un grand nombre de groupes (Iron Maiden c’est Dickinson, Pearl Jam Eddie Vedder, Guns N Roses Axl Rose ect)
Tommy Lee doit être celui qui s’en fout le plus de Vince Neil et de Mötley Crüe.
La preuve la plus flagrante est qu’il n’est pas sur le pourtant excellentissime album New Tatoo et qu’il a préféré sa carrière solo à ce moment là.
Un nouvel album du Crûe pour 2014 ? Hum…
A choisir je préfèrerai un album solo de Vince Neil après son trés bon album de reprises (la production est énorme et les musiciens tout autant… Merci Slaughter).
Pas fan du personnage mais curieux de lire son point de vue. Très dur envers les membres de Mötley Crüe. Excellente idée de l’éditeur d’avoir traduit ce livre en français ! Félicitations…
Pour le moment, je n’ai fait que survoler le titre. En tant que fan du groupe, je rejoins, malgré tout, une partie de la critique de Animal: Vince est bien un beauf millionnaire, égoïste. Il casse le mythe Mötley en déversant son fumier sur le groupe. Mais le groupe lui en aura fait baver en le maintenant dans une constante punition suite à l’accident qui emportera Razzle. Bien qu’à 50an il pourrait réfléchir sur ses erreurs, n’oublions pas qu’il n’était qu’un blanc-bec de quartier cradingue et qui devient du jour au lendemain une rockstar avec un contrat d’un million de dollars…De quoi péter les plombs à 17piges… Bref, on aura beau vieillir, gentiment détester Vince (même en tant que fan) tout comme Vince aime gentiment détester les membres du Crüe mais il reste Vince Neil, la figure de proue du gang des givrés Mötley Crüe….
Le livre est fabuleux !! Truffé d’anecdotes en tous genres !!! Surtout sur les débuts du CRUE !!! Pour tous les fans comme moi du bonhomme. Qu’attendre d’autre d’une bio ?????
Une autre version de THE DIRT ?
En tout cas, d’accord avec toi sur l’importance du fond sur la forme.
D’un manière générale, la forme est immédiate, accrocheuse, racoleuse. Le fond demande réflexion, patience et attention. A l’ère du zapping c’est pas gagné mais toujours payant pour ceux qui prennent le temps.
En tout cas, il ne laisse pas indifférent ce livre, n’est-ce pas? Je suis tout à fait d’accord avec la critique – le portrait craché de Vince Neil ! Et c’est en ça que l’autobiogaphie est réussie…